Hier absents, ils sont aujourd’hui omniprésents. Mais il aura fallu attendre une trentaine d’années pour que la parole des patients se libère dans le monde clos de la santé. Avec la violence d’une nécessité vitale, les malades du sida ont cassé le monologue des médecins en criant leurs souffrances.
En 2002, le ministre de la Santé, Bernard Kouchner, accélérait ce mouvement d’émancipation avec la loi fixant le droit des malades. La prise en compte de la douleur reste un marqueur important de cette évolution d’une médecine du soin vers une médecine de l’écoute.
Au moment où les Français vont être consultés dans le cadre de la révision de la loi bioéthique, peut-on affirmer que la démocratie sanitaire est une réalité et non un hochet pour faire diversion ? Dans les hôpitaux, les agences ou dans les instances de recherche, la présence des malades et des associations est incontestable.
Ils ont des sièges mais ont-ils droit au chapitre lorsque le moment de la décision est venu ?
Les récents scandales sanitaires montrent à l’évidence que la voix des patients s’exprime bien mais, le plus souvent, avec colère. Autrement dit quand le mal est fait, lorsqu’il est trop tard. Pour calmer cette foule qui gronde, le politique est alors contraint de réagir dans l’urgence en obéissant sans discernement à la loi de la rue. Tout le contraire d’une démocratie moderne.
C’est ainsi que l’on peut suspendre la commercialisation d’un médicament, restreindre le montant de son remboursement ou au contraire le prendre en charge à 100 % sur la base d’arguments et non de faits. D’acteur de la santé, le patient sert alors d’alibi. Et la parole politique de décrédibilise un peu plus.
Difficile, affirment plusieurs anciens ministres de la Santé, d’agir avec sérénité lorsqu’une crise sanitaire menace. Il faut prendre des décisions dans l’urgence, ajoutent-ils. Mais ils oublient justement de dire que, dans la plupart des cas, ces flambées révèlent des dysfonctionnements du système. Avec, bien souvent un défaut d’information ou de prise en compte de la vie du patient au départ du feu.
Gouverner, c’est prévoir… mais aussi écouter. C’est ce que fait le gouvernement en demandant au comité consultatif national d’éthique de prendre pouls de l’opinion sur des sujets particulièrement sensibles et clivants. Reste à savoir ce qu’il retiendra de cette consultation populaire ! La question posée est importante : « Quel monde voulons-nous pour demain ? »