Serions-nous passés de manière subreptice à l’ère II du quinquennat Macron : celle où le « ni-ni » se substitue au « en même temps ». Le tour de passe-passe auquel nous avons assisté cette semaine sur la question du cannabis le laisse présager.
Alors que la loi française est l’une des plus sévères en matière de consommation de drogue, le nombre d’usagers est l’un des plus élevés d’Europe. 17 millions de personnes ont fumé du cannabis de manière occasionnelle, 1,4 million sont des adeptes réguliers dont la moitié de manière quotidienne.
La loi de 1970, qui punit d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros un usager de stupéfiant, a montré ses limites. Sur les 140 000 interpellations réalisées en 2015, 3 000 peines de prison ont été prononcées dont un tiers pour de la prison ferme.
Inefficace en matière de consommation, de répression et de lutte contre le marché noir, cette législation embolise commissariats et tribunaux.
Comme la plupart des ses rivaux, le candidat Macron avait dressé ce contact d’échec durant la campagne présidentielle, faisant même un pas vers une forme de dépénalisation du cannabis.`
Dans un rapport présenté cette semaine par la commission des lois de l’Assemblée nationale, deux députés préconisent un système d’amende forfaitaire avec, cependant, une variante. Le député macroniste Eric Pouillat garde la possibilité de poursuites pénales. La loi de 70 demeure.
Son collègue de droite Robin Reda (Les Républicains) optant, lui, pour une sortie de la case délit.
Au micro d’Europe 1, le ministre de l’Intérieur, chef d’orchestre de cette séquence politique, s’est empressé de valider la version d’Eric Pouillat en déclarant que la « forfaitisation n’éteint pas l’action pénale ».
Ni dépénalisation, ni clarification de l’arsenal préventif, le chef de l’Etat se présente de facto comme le chantre du conservatisme. Au passage, il satisfait les policiers et évite le piège tendu par ses adversaires sur la question de la légalisation du cannabis.
La manœuvre politique est habile, elle est décalée sur le terrain de la santé publique. Selon l’étude réalisée sur un échantillon représentatif de 200 jeunes âgés de 13 à 18 ans que vient de publier l’OFDT (1), le cannabis bénéficie d’un meilleure image que le tabac. L’herbe serait plus saine et moins dangereuse. Du coup, les mineurs ont le sentiment de maîtriser leur consommation. Mais cette perception peut être en décalage avec l’usage réel, souligne l’OFDT.
C’est donc la politique de réduction des risques que développent les acteurs terrain qu’il convient de soutenir. Une troisième voie ambitieuse nourrie par une démarche progressiste et en rupture avec l’inertie du passé.
C’était la promesse du candidat Macron !
(1) Observatoire français des drogues et des toxicomanies
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