Antibiotiques : les Etats font de la résistance

Du miracle au cauchemar. Si les antibiotiques ont permis de sauver des millions de vie depuis près d’un siècle, leur usage massif chez l’homme et l’animal conduit aujourd’hui à des impasses thérapeutiques. Cette semaine, des médecins et des associations, comme la Fédération française des diabétiques, ont tiré la sonnette d’alarme. « L’antibiorésistance remet en question la capacité à soigner les infections, même les plus courantes », affirment-ils dans un appel relayé par Le Parisien.

Sans réaction de la communauté internationale, pointait un rapport remis en 2014 à Marisol Touraine, « plus de dix millions de personnes pourraient mourir chaque année à cause de l’antibiorésistance en 2050 ». Et coûter 100 000 milliards de dollars dans les 30 prochaines années .

Face à cette catastrophe annoncée, la France n’est pas un modèle. Après avoir déployé de réels efforts dans les années 2000 pour freiner l’évolution de la consommation (-11,4% entre 2000 et 2015), l’Assurance maladie souligne qu’une tendance à la reprise se confirme depuis 2010 (+ 5,4 %), particulièrement sur le poste médecine de ville.

Conso 2010-2015
DDJ : Doses définies journalières pour 1 000 habitants (Source: ANSM)

Nous avalons 30 % d’antibiotiques de plus que la moyenne européenne et pointons au 4e rang des pays les plus consommateurs. En 2015, l’étude Burden évaluait à 12 500 le nombre annuel de décès imputables à l’antiborésistance en France. D’ores et déjà, 150 000 patients par an développent une infection liée à une bactérie multirésistante.

 

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Cette situation d’urgence ne semble pas inquiéter les autorités. Depuis le 3e plan (2011-2016), aucune action majeure n’a été entreprise.  Pourtant, les experts, qui se sont succédé au chevet du malade, portent le même diagnostic. Sur les 100 millions de boîtes d’antibiotiques remboursées par l’Assurance maladie en 2013, 30 à 50 % des antibiothérapies sont inutiles.

Les médecins ne sont pas les seuls à avoir la main trop lourde. Le recours massif à ces produits dans le cadre de l’élevage intensif des animaux est également pointé du doigt. Dans ce domaine, la communauté européenne s’est mobilisée pour réduire ou interdire l’usage de ces produits dans l’alimentation animale. Mais pas suffisamment.

Consomanimale
(1) ALEA (Animal Level of Exposure to Antimicrobials  estime, sous certaines hypothèses,
(Source : Anses)

« S’ajoutent des effets écologiques liés à la dispersion de résidus d’antibiotiques dans l’environnement », relevait en 2014 le rapport du Dr Jean Carlet. Le président de l’Alliance mondiale contre la résistance aux antibiotiques dénonçait également « l’utilisation immodérée des désinfectants et biocides, y compris par les particuliers (…) ».

En sensibilisant le public de manière plus incitative, en donnant aux médecins les outils pour prescrire à bon escient, la réduction de 25 % de la consommation de ces médicaments est, selon les spécialistes, un objectif atteignable. Mais les pouvoirs publics doivent en même temps mettre fin à la situation paradoxale dans laquelle se trouvent les industriels. « Les antibiotiques sont des produits de haute technologie mais leur prix est peu élevé et leur utilisation doit être limitée », observait le Dr Carlet. Aujourd’hui, investir dans l’innovation bactérienne n’est pas rentable ».
De fait, aucune molécule majeure n’a été mise sur le marché depuis 10 ans.

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Source : Ansm, ANSES, Santé publique France

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