Si Donald Trump demandait aux fabricants d’armes de participer à des campagnes de prévention sur l’usage de ces arsenaux dans le pays, il deviendrait une fois de plus la risée de la planète. Si l’on considère que l’alcool est à l’origine chaque année de près de 50 000 décès prématurés en France et la 2e cause de mortalité routière, les Américains pourraient, eux aussi, s’interroger sur l’évolution de notre politique en la matière.
En décembre dernier, la Stratégie nationale de santé 2018-2022 a inclus l’alcool dans les « substances psychoactives licites ou illicites » au même titre que le tabac. Une mesure qui s’insère dans une logique de santé publique initiée par la loi Evin de 1991 mais qui a rendu furieuse la filière viticole. Jusque-là, cette profession avait réussi à préserver l’image du vin en l’associant à de valeurs de terroir, de tradition et de culture. Et ce, malgré tous les efforts déployés par les ministres de la Santé des derniers gouvernements.
Bien décidés à obtenir des clarifications sur ces grandes orientations de la santé, les représentants du vin ont défendu leurs arguments auprès de d’Audrey Bourolleau. La conseillère agriculture, pêche, forêt et développement rural auprès d’Emmanuel Macron connaît bien le sujet puisqu’elle était auparavant déléguée générale de Vin et Société. L’échange aurait été fructueux.
Selon le site Vitisphère, Jean-Marie Barillère, président du Comité national des interprofessions des vins, aurait reçu un courrier de la présidence de la République qui, selon lui, répondait à leurs attentes. En faisant par exemple, une différence entre consommations excessive et raisonnable et en proposant à la filière viticole de devenir un acteur de la politique de prévention.
Cité par le Monde, l’Elysée précise que, sur le sujet, les acteurs de la santé sont également consultés, ajoutant néanmoins : « personne n’ayant le monopole de la prévention ».
Une précision qui a déclenché la colère des professionnels de la santé publique. « Si nous ne remettons pas en cause le droit des producteurs d’alcool à faire valoir leurs arguments sur leur situation économique ou les normes des productions, a répondu l’ANPAA (1), nous alertons sur le danger d’en faire des acteurs de prévention. En effet, de par leurs intérêts, ils ne peuvent avoir à cœur de dire toute la vérité sur les risques liés à la consommation d’alcool ».
Autant demander, en effet, aux producteurs de vin de se tirer une balle dans le pied et aux fabricants de tabac de militer pour l’arrêt de la cigarette.
Cette nouvelle bataille sur le terrain de la santé publique tombe à un mauvais moment pour le gouvernement. Dans le cadre de l’étude ESCAPAD 2017 (2) portant sur les résultats d’un questionnaire adressé à 46 054 jeunes âgés de de 17 ans, l’OFDT (3) note un fléchissement des consommations d’alcool , de tabac et de cannabis en France . Au cours de la dernière décennie, souligne l’étude, la part des abstinents à 17 ans vis-à-vis de ces produits «a plus que doublé passant de 5,1 % en 2008 à 11,7 % en 2017 ». Par exemple, la consommation régulière d’alcool dans cette tranche d’âge est passée de 12,3 % en 2014 à 8,4 % en 2017. Le binge-drinking (5 verres d’alcool consommés en une seule occasion) a, lui aussi, connu un recul de 4 points.
Que ce soit pour le tabac ou l’alcool, ces résultats encourageants tiennent en partie à l’évolution de la représentation des ces substances psychoactives. Les adolescents, interrogés dans cette enquête, « appartiennent à une génération qui avait entre 9 et 10 ans au moment de la loi HPST qui a étendu l’interdiction de vente de tabac et d’alcool à l’ensemble des mineurs , rappelle l’OFDT. Ils ont donc grandi et vécu leur période d’adolescence dans un contexte où l’interdiction pouvait sembler normale, contrairement à leurs aînés ayant pour leur part connu un contexte plus permissif ». Une victoire de la santé publique et des acteurs de terrain face aux lobbies. Il ne faudrait pas que ce rapport de force s’inverse !
(1) Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie
(2) Enquête sur la Santé et les Consommations lors de l’Appel de Préparation À la Défense
(3) Observatoire français des drogues et des toxicomanies
Et pas d’alcool pour les femmes enceintes!
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