Sans le vouloir, en se présentant comme un président normal, François Hollande a dû inspirer son successeur. En rupture permanente avec « le monde d’avant », Emmanuel Macron a placé son quinquennat sous le signe de la transgression. Et les opérations de séduction déployées cette semaine ne sont que le vernis d’un bois dur.
Bombant le torse face à des cheminots rouges de colère, le voilà, quelques jours, plus tard, tenant la main des Evêques de France. Parce que « le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé, le locataire de l’Elysée entend le « réparer ». Manœuvre politique pour s’assurer les bonnes grâces des catholiques alors que son prédécesseur les avait jetés dans la rue avec le mariage pour tous ? Sans doute.
Mais l’effet pourrait être boomerang lorsque les grandes questions de société devront être arbitrées. Ceux qui l’ont applaudi cette semaine ne vont-ils pas, le moment venu, se référer au discours prononcé devant la Conférence des évêques s’ils s’estiment floués ? Le chef de l’Etat n’a-t-il pas exhorté les catholiques à s’engager dans la vie de la cité en l’imprégnant de leur « sagesse » ? A l’inverse, les défenseurs de la laïcité ne vont-ils pas lui rappeler cette proximité coupable avec l’Eglise si les décisions prises ne sont pas à leur goût ?
Au moment où une consultation citoyenne s’est ouverte dans le cadre des Etats Généraux de la bioéthique sur des sujets aussi sensibles que la procréation assistée ou la fin de vie, cet appel au peuple catholique pourrait perturber la sérénité des débats. Voire les hystériser. Ces questions doivent interroger les consciences individuelles, de tous bords, mais exigent des réponses éclairées, fondées sur l’analyse, la réflexion et non sur l’émotion.
Entre les défenseurs de « l’ultime liberté » et les opposants à « la culture de la mort », la France tente depuis trois ans de dépasser ces clivages pour ouvrir une troisième voix. Même si une majorité de Français se prononce aujourd’hui en faveur de l’euthanasie.
Il y a deux ans, la nouvelle loi Lenoetti-Claeys a permis d’assouplir la législation en donnant la possibilité de pratiquer « une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ». En février dernier, la Haute autorité de santé (HAS) a édité un guide pratique à destination des professionnels de santé pour les aider à prendre en charge leurs patients en fin de vie dans le respect de la loi. Si l’euthanasie – aujourd’hui illégale en France – consiste à provoquer « une mort immédiate » par l’utilisation d’un médicament, la sédation profonde permet de « soulager une souffrance réfractaire » jusqu’au décès « dû à une évolution naturelle de la maladie », explique la HAS.
Source : HAS
Alors, faut-il légaliser « une aide active à mourir » comme le réclament certaines associations et les 156 députés emmenés par Jean-Louis Touraine ou écouter les familles et les professionnels confrontés dans leur quotidien à ces questions au sein des unités de soins palliatifs.
Le moins que l’on puisse faire serait d’attendre la mise en œuvre réelle de la loi actuelle avant de vouloir la changer.
Ce serait faire preuve de sagesse. Mais cette fois, elle s’adresse au politique.