1968-2018 : le couple a résisté

Des manifestations dans les rues, des grèves dans les transports en commun, des voitures incendiées dans avenues de Paris, la France célèbre à sa façon mai 68. Si les photos soulignent quelques similitudes, le film, lui, n’a rien à voir. Il y a cinquante ans, les étudiants revendiquaient le droit à la liberté, leurs enfants exigent, aujourd’hui, plus de sécurité. Pour eux et pour leurs descendants.
Ainsi, l’héritage de mai 68 se résumerait-il à la préservation des acquis sociaux ?

Heureusement, le coup d’oeil dans le rétroviseur réserve quelques « surprises ». Dans la publication de l’Ined, Population et sociétés, du mois de mars, Gilles Pison en a pointé quatre sur le plan démographique.

– D’abord, nous sommes plus nombreux. De 1968 à 2018, la population de la France métropolitaine est passée de 50 à 65 millions. Cette augmentation d’un tiers est en partie liée à un accroissement de 11 ans de l’espérance de vie. 82,5 ans en 2017 contre 71,5 il y a un demi-siècle. Dans les années 50-60, la progression de l’espérance de vie était plutôt due à « un recul de mortalité infantile », aujourd’hui, ce sont « les succès rencontrés dans la lutte contre la mortalité adulte, en particulier aux âges élevés » qui nous font vivre plus longtemps.
« La mortalité due aux maladies du cœur et des vaisseaux a énormément diminué depuis un demi-siècle grâce aux progrès de la prévention et des traitements », analyse le chercheur de l’Ined. Même constat pour les cancers.
Mais cette conquête de l’âge connaît une pause. Depuis 2010, nous gagnons seulement deux mois par an contre trois auparavant. Et l’espérance de vie à 60 ans n’a plus progressé au cours des trois dernières années, relève Gilles Pison. « Même s’il est encore trop tôt pour conclure à un arrêt des progrès, il est possible qu’une nouvelle phase ait débuté », indique-t-il.

– Si les femmes font en moyenne deux enfants depuis cinquante ans, l’âge de la maternité a, lui, beaucoup évolué : 30,7 ans en 2017 contre 26,5 ans en 1977. L’allongement de la durée des études, la progression de l’emploi féminin, le désir d’avoir une vie stable expliquent en partie les maternités plus tardives.
L’accès à la contraception et le recours à l’IVG ont également réduit le nombre de grossesses non désirées, notamment précoces.
Pour l’Ined, il est peu probable que ces « reports des maternités » augmentent jusqu’à 35 ou 40 ans. Pour des raisons biologiques, avant tout. Le risque moyen de ne pas avoir d’enfant croît vite avec l’âge : 4 % à 20 ans, 35 % à 40 ans et près de 80 % à 45 ans. Par ailleurs, en matière procréation médicalement assistée, « la médecine reste souvent impuissante après 40 ans », observe le spécialiste en rappelant que seulement 4 % des naissances sont le fait de mères de 40 ans.

– Des parents et des grands-parents plus âgés, mai 68 a eu d’autres conséquences dans les foyers français. Ses héritiers ont fait exploser les valeurs traditionnelles de l’union. En 2016, 60 % des 745 000 enfants sont nés de parents non mariés. Ils étaient 6 % en 66.
Le regard de la société a changé sur ces naissances autrefois classées comme naturelles ou illégitimes et « la loi française ne différencie plus le droit des enfants », qu’ils soient issus de parents mariés ou pas.

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Source : Sylvain Papon et Catherine Beaumel- « Bilan démographique 2017 : plus de 67 millions d’habitants
en France au 1er janvier 2018 », Insee Première, n° 1683, 2018, Laurent Toulemon- « Les pères dans les statistiques », Informations sociales, n° 176, 2013, p. 8-13.

– Autre révolution, l’instauration en 1999 du pacte civil de solidarité . 192 000 ont été célébrés en 2016 (20 000 en 2001), soit presque autant que le nombre de mariages (233 000).
Et contrairement aux idées reçues, le pacs séduit principalement les couples hétérosexuels (184 000). Il a été multiplié par 12 en quinze ans dans cette population et seulement par deux chez les personnes du même sexe.
Quelque soit le régime de l’union, les couples obéissent aux mêmes cycles : la fréquence des ruptures est voisine : près d’un pacs hétérosexuel sur cinq est rompu au bout de six ans contre près d’un mariage sur sept.

Finalement, mai 68 a fait voler en éclat les contraintes mais pas l’amour. « ll y a cinquante ans (..), l’idée que le couple et la famille avaient fait leur temps était répandue. Force est de constater que non seulement ils n’ont pas disparu, mais que la proportion d’individus vivant en couple est restée à peu près la même », conclut l’Ined.

 

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