Pénaliser financièrement ceux dont le mode de vie s’éloignerait des chemins tracés d’une bonne prévention. Ainsi, le fumeur, le buveur, le consommateur de graisse serait moins bien remboursé par l’Assurance maladie que celui qui surveille sa santé et pratique une activité sportive.
Hier inenvisageable, cette révolution fait son chemin. En tout cas dans l’esprit des Français. 61 % d’entre eux estiment souhaitable d’aller dans cette direction, selon la dernière étude du cabinet Deloitte réalisée par Opinion Way (1). S’il convient d’interpréter avec prudence les résultats d’un sondage, ce chiffre témoigne néanmoins d’une évolution de l’opinion.
Les Français ont pris conscience de la fragilité de notre système de santé. Avec moins de cotisants, plus de retraités et une augmentation du nombre de malades chroniques, des choix drastiques vont s’imposer dans les années à venir. Déjà, par le passé, des études avaient montré que, pour être bien remboursé sur l’essentiel, les assurés étaient disposés à débourser davantage sur « le petit risque ». Mais cette fois, la sélection ne porterait plus sur « le panier de soins » mais bien sur les comportements.
Point positif, les personnes interrogées font un lien direct entre leur mode de vie, la prévention et la santé publique. Chacun de nos gestes a des conséquences sur nous mais également sur la collectivité. Les campagnes à répétition sur le tabac, l’alcool ou l’alimentation commencent à infuser dans l’opinion.
Pour autant, la collectivité doit-elle pénaliser nos excès ? Cette mesure semble difficilement applicable. Comment et qui devra évaluer les « bons comportements », faire la différence entre une consommation modérée ou excessive d’alcool ou de tabac ?
Au-delà du simple aspect pratique, mettre en place une telle mesure reviendrait à donner un coup de pied au principe de solidarité qui fonde notre système de santé. Les taux de remboursement seraient calculés non pas en fonction de sa pathologie mais bien selon notre responsabilité éventuelle dans sa survenue.
Au passage, ce sont les catégories sociales les plus défavorisées qui seraient les premières victimes de ce type de mesure. Un riche alcoolique n’aurait aucune difficulté à se faire soigner alors que le smicard resterait lui à l’entrée de l’hôpital.
Mais surtout, cette proposition heurte de plein fouet l’éthique médicale. Comment pourrait-on demander à un médecin d’entrer dans un système basé sur la sélection humaine ? Ce serait contraire à tous les principes qui ont nourri son engagement et à la déontologie qui préserve l’exercice médical.
Mais attention, la menace est réelle. Sous des formes diverses, certains pays ont déjà adopté de telles mesures. Ceux dont l’Assurance maladie est pilotée par le secteur privé, comme aux Etats-Unis, par exemple. Ou en Grande-Bretagne qui a mis une frein à la transplantation hépatique pour les personnes alcooliques. Au nom de la pénurie de greffons.
(1) Sondage réalisé par OpinionWay, entre les 23 et 29 mars 2018, auprès d’un échantillon de 2003 personnes de 18 ans et plus représentatif de la population française.