Un médicament doit-il être efficace pour être remboursé ? Deux épisodes récents viennent de rappeler que cette question n’a rien d’insolite.
En mars dernier, 124 professionnels de santé signaient une tribune dans Le Figaro pour dénoncer les médecines alternatives, en particulier l’homéopathie. Des disciplines « sans aucun fondement scientifique », « nourries par des charlatans », écrivaient alors les auteurs.
Quelques jours plus tard, la ministre de la Santé apportait de l’eau à leur moulin en rappelant que la décision de rembourser des produits homéopathiques avait été prise « sans aucune évaluation scientifique ». Suivant le principe d’une médecine fondée sur des preuves, Agnès Buzyn décidait alors de lancer une évaluation pour savoir si, au delà de l’effet placebo, ces médicaments présentaient une réelle efficacité.
Au 1er août, quatre médicaments (1) prescrits aux personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer ne seront plus pris en charge par l’Assurance maladie. Dans ce cas, la ministre a suivi deux recommandations de la commission de transparence de la Haute autorité de santé (Has) indiquant que l’efficacité de ces molécules était, au mieux, modeste et qu’elles présentaient des effets indésirables. Les experts citaient, par exemple, les troubles digestifs, cardiovasculaires ou neuropsychiatriques.
Ces deux affaires présentent des points communs qui illustrent les faiblesses de notre système de santé. 90 millions d’euros par an pour l’homéopathie, 130 pour l’Alzheimer, l’ardoise n’est pas anodine. Et pourtant, malgré les avis et les recommandations scientifiques émis à plusieurs reprises par le passé, la puissance publique s’est bien gardée de trancher.
Sans doute parce que de telles décisions suscitent à chaque fois la colère des associations de malades et d’une partie du corps médical. Les faits récents l’attestent. Une décision qui « serait délétère pour les patients français et leur entourage », ont commenté, il y a quelques jours, cinq Sociétés savantes à propos de la maladie d’Alzheimer. « Au-delà de la question de l’efficacité, renchérissait l’association France-Alzheimer, la prescription des médicaments participait grandement à maintenir un lien thérapeutique entre le médecin et les patients ».
Le mot est lancé. La France reste encore ancrée dans une tradition qui veut qu’une bonne consultation médicale se termine inévitablement par une ordonnance de médicaments. Ce faisant, les médecins ne cèdent pas aux pressions de l’industrie pharmaceutique, comme l’affirment certains. Ils apportent au patient une forme de garantie que sa douleur ou sa maladie a bien été prise en compte et qu’un remède va y mettre un terme. L’ordonnance joue l’effet placebo. Jusqu’à présent, la collectivité assumait cette dépense.
Enfin, cette culture du médicament en France a freiné les recherches sur les thérapies alternatives. « Des médecins généralistes me demandent: que va-t-on dire à nos patients qui allaient mieux depuis qu’ils avaient le traitement ? » résume dans Le Figaro le Pr Florence Pasquier (CHU de Lille), spécialiste de la maladie d’Alzheimer.
Comme elle, de nombreux cliniciens, des proches des malades se demandent aujourd’hui ce que va proposer la médecine dite traditionnelle comme alternative aux médicaments déremboursés, qu’il s’agisse de l’homéopathie ou de l’Alzheimer.
La ministre de la Santé y a en partie répondu. Dans les deux cas, Agnès Buzyn a évité les pièges traditionnels. Hématologue, l’ex responsable de l’Inca (1) et de la HAS est restée sur son terrain scientifique avec comme arme l’évaluation et les avis rendus par les autorités compétentes.
Mais elle a surtout promis que les 90 millions d’euros dépensés pour les médicaments contre l’Alzheimer financeraient des prises en charge pluridisciplinaires et des traitements non-médicamenteux. C’est peu mais c’est un début.
(1) Aricept, Ebixa, Exelon et Reminyl
(2) Institut national du cancer