Hôpital : les médecins intérimaires soignent leur rémunération

L’hôpital est en feu mais Emmanuel Macron a décidé de décaler de juillet à septembre la présentation d’une réforme tant attendue. Raison officielle de ce report, ce ne sera pas simplement une bouée de sauvetage mais un plan d’ensemble qui sera proposé. Il faut donc donner du temps au temps.
La ministre de la Santé a une autre lecture du calendrier. Si la France se qualifie pour la demi-finale de la coupe du monde de foot, le président de la République se rendra en Russie pour supporter nos joueurs. Et le pays tout entier sera imbibé d’une ferveur à la mode 98. Les plans hôpital et pauvreté feraient tache dans cette célébration nationale.
En langage footballistique, on qualifierait cette séquence de gros cafouillage dans la surface de réparation.
D’ailleurs, Agnès Buzyn se serait fait recadrer pour avoir pris quelques libertés avec « les éléments de langage » concoctés à l’Elysée.

Mais à cette communication policée, la ministre préfère le discours de vérité. Exemple, cette semaine où elle n’a pas hésité à monter au front à l’Assemblée nationale pour dénoncer l’attitude des médecins intérimaires. « Nous faisons face à des mercenaires aujourd’hui, qui sont des médecins (…) qui travaillent à la journée, payés 2 000 euros par jour », a-t-elle déclaré.
Le manque de personnel à l’hôpital, l’été notamment, contraint les directeurs à faire appel à des agences d’intérim pour recruter des médecins remplaçants. Plus de 1 000 euros pour une journée, 2 000 pour une garde de 24 heures, ces blouses blanches peuvent parfois gagner le triple de leur confrère.
« Un médecin en contrat temporaire peut gagner jusqu’à 15 000 euros par mois, évaluait en 2013 le Dr Olivier Véran dans un entretien au Monde. Auteur d’un rapport sur ce sujet, le député à l’Isère chiffrait à 500 millions d’euros le surcoût de cette pratique pour le secteur hospitalier. La ministre de la Santé a d’ailleurs rappelé ces derniers jours que ces médecins étaient « responsables pour partie du déficit des hôpitaux publics ». Sans compter les désordres et les troubles engendrés par la présence de ces 6 000 médecins qui profitent d’une situation de crise pour soigner leur rémunération.

En novembre dernier, le gouvernement a décidé de mettre fin à ce système inflationniste dans lequel les hôpitaux pouvaient se faire concurrence pour attirer ces médecins. Le 26 novembre paraissait au Journal officiel un décret prévoyant d’encadrer l’intérim médical. Pour une journée de travail effectif de 24 heures, le montant de la rétribution sera plafonné à 1287,05 euros en 2019, 1170,04 euros à partir de 2020 et 1404, 05 euros depuis le début de cette année.

La question semblait donc résolue. Mais c’était sans compter avec le cynisme de ces praticiens. Le syndicat des médecins remplaçants (1) lançait en mars dernier un appel à tous ses adhérents pour « refuser de remplacer dans tous les hôpitaux qui appliquent le décret à compter du 15 juin 2018 ». Pas question d’être les boucs émissaires du déficit des hôpitaux, estiment-ils et surtout de voir leur salaire amputé de 40 % en trois ans.

Le rappel de « leurs responsabilités et déontologiques » de l’Ordre des médecins n’a pas bousculé les consciences médicales. Au contraire, le syndicat prévoit de durcir le mouvement. « Quand la moitié de la masse salariale passe pour des intérimaires qui travaillent une semaine par mois, ça n’est pas tolérable », a rétorqué la ministre en demandant aux hôpitaux de ne pas céder au chantage.
Une manière de rappeler qu’en cas d’incendie, on n’attend pas des pompiers qu’ils attisent les braises.

 

 

(1) Syndicat national des médecins remplaçants en hôpitaux (SNMRH)

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