C’est un signal fort que vient d’adresser le Conseil d’Etat aux défenseurs de l’assistance médicale à la procréation pour toutes. Saisie il y a quelques semaines par le gouvernement dans le cadre de la révision des lois de bioéthique, l’institution a donné un avis juridique favorable à l’extension de la PMA aux femmes célibataires et aux couples lesbiens.
Si les sages ne se sont pas prononcés sur le fond, ils ont, en revanche, exploré de nouvelles formes de filiation si la loi était adoptée. Les membres du Conseil ont estimé également que cette technique devrait être prise en charge par la sécurité sociale même si elle ne répond pas à une demande de nature médicale.
Cette note intervient quelques jours après la publication du rapport de synthèse des états généraux de la bioéthique piloté par le Comité consultatif national d’éthique. Ce dernier doit rendre un avis au gouvernement à l’automne. Les parlementaires devront alors de prononcer sur de nouveaux textes. D’autres avis sont attendus d’ici là alimentant ainsi l’impression de cacophonie qui monte dans le pays.
Intervenant en fin de semaine à un débat organisé à l’occasion des Universités de Pharmaceutiques, le président du comité d’éthique, le Pr Jean-François Delfraisssy, a plaidé en faveur d’une « loi d’ouverture, une loi de confiance ».
« Elle doit porter les valeurs de la France », a ajouté le Pr Israël Nisand, fondateur du Forum européen de la bioéthique. Dénonçant notre modèle qui veut que « tout ce qui n’est pas autorisé est interdit », le gynécologue de Strasbourg a regretté les retards pris par la France dans le domaine de la bioéthique alors qu’elle était citée comme modèle dans le monde. « Le fossé s’est creusé avec les citoyens », a plaidé le spécialiste.
Alors pour éviter « ce grand chambardement », ou cette « déchirure » évoquée par des participants à la table ronde et se mettre au diapason d’une opinion qui évolue plus vite que le législateur, faut-il revoir le principe d’une révision des lois de bioéthique tous les sept ans ? La moindre des choses serait d’abord d’ajuster ce calendrier à celui de l’élection présidentielle, tous les cinq ans, a suggéré Alain-Michel Ceretti, président de France assos santé.
Mais si l’on veut, comme le propose Israël Nisand, mettre « de l’intelligence dans le débat » et « placer le citoyen en avant et pas la loi », cette conjonction de dates ne suffira pas à répondre aux grandes questions de société. De plus, en nous focalisant sur la PMA et sur la fin de vie, on oublie sans doute l’essentiel. « Dans cinq ou dix ans, a estimé le Pr Delfraissy, on se demandera pourquoi y-t-il eu autant de discussions » sur ces sujets. Les neurosciences, le numérique, la génomique, sont, selon lui, les grandes thématiques qui vont bouleverser notre quotidien.
« Sur des sujets prospectifs, il est possible de construire », a résumé le président du Comité d’éthique.
Une telle orientation permettrait de sortir d’un système dans lequel le politique redoute l’explosion d’une bombe qu’il a lui même allumée et au citoyen de ne plus servir d’alibi à la réflexion. Cette révolution, les défis médicaux et sociétaux qui sont en jeu, méritent assurément que l’on s’y penche tous les ans.