Une rentrée salée

Ceux qui redoutaient une rentrée aussi maussade que le ciel seront finalement rassurés. A peine les valises posées, nous voilà replongés dans le bain bouillonnant de la politique. Démission fracassante, Gaulois bougons, remaniement en vue, Emmanuel Macron bouscule une nouvelle fois les Français au risque de réveiller sérieusement leur colère.

Le départ de Nicolas Hulot n’est pas simplement l’épilogue d’une erreur de casting. Avec, d’un côté, un nouveau Président fier d’avoir pris dans ses filets une personnalité civile plébiscitée par l’opinion et, de l’autre, un écologiste persuadé que la raison et les convictions l’emporteraient sur la machine politique. Ce constat d’échec va bien au–delà d’un simple accident de parcours.

En fait, le ministre de la Transition écologique a claqué la porte de l’ancien monde. Celui que le jeune candidat Macron avait pourtant combattu durant la campagne de 2017. Certains, avant lui, avaient essayé de greffer des membres de la société civile dans leur gouvernement. A l’arrivée, plus de rejets que de réussites. D’autres avaient fait de l’écologie l’étendard de leur quinquennat. Les symboles et les paroles se sont vite heurtés à l’exercice du pouvoir.

Constatant, lui aussi, qu’il était devenu le ministre du sur-place écologique, Nicolas Hulot a finalement rendu les armes (1). A un bataillon fantôme. Composé de lobbyistes dont l’influence prend parfois des allures de deuxième pouvoir, ils tiennent salon à l’Elysée et dans les allées des grands ministères. Le Président ne leur prête pas une oreille distraite, il les écoute avec attention. Ne leur a-t-il pas proposé en juin dernier de participer au plan de lutte contre l’alcoolisme, notamment chez les jeunes. Leurs représentants auront juste à verser un petit chèque de 5 millions d’euros sur quatre ans pour contrer des décisions qui pourraient aller à l’encontre de leurs intérêts.

Conscients de cette proximité entre les puissances de l’argent et le pouvoir, des députés saisissent directement l’opinion sur des sujets de santé publique. Dans un rapport qu’elle doit remettre fin septembre et dévoilé par Le Figaro, la commission d’enquête parlementaire sur l’alimentation industrielle propose d’instaurer une taxe sur les aliments les plus salés. Les Français consomment deux fois plus de sel que la quantité recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (5 grammes).Cette surconsommation, associée à celle du sucre ou des graisses et à d’autres facteurs, engendre des maladies cardiovasculaires, deuxième cause de mortalité dans le pays.

Si les citoyens ont la main un peu lourde pour agrémenter leur assiette, c’est dans les plats cuisinés et transformés que se cache l’essentiel du sel consommé. Comme pour la taxe soda, le groupe composé d’une vingtaine de députés veut contraindre les industriels à revoir la composition de leurs recettes. « Les engagements volontaires des industriels ne marchent pas », prévient dans les colonnes du quotidien, Loïc Prud’homme (LFI), président de la commission.

C’est donc une bataille de gros sous qui s’annonce entre les parlementaires et le lobby de l’industrie agro-alimentaire et que le gouvernement devra arbitrer.
Jusque-là, les industriels ont réussi à écarter toute mesure contraignante à leur endroit. Sans doute feront-ils valoir encore une fois que la note est trop… salée !

(1) En un an, Nicolas Hulot a brandi à plusieurs reprises la menace de sa démission du gouvernement. Manque de courage pour les uns, volonté de réussir pour les autres, l’ex ministre de la Transition écologique serait victime de procrastination. Comme tous ceux qui trouvent une raison de remettre à demain ce qu’ils peuvent faire le jour même. Mais que l’écologiste le plus célèbre de France se rassure. En lisant Libération, il apprendra que les causes de ce syndrome sont en fait anatomiques. Selon des chercheurs allemands, ce sont deux zones du cerveau qui seraient impliquées dans la prise de décision: l’amygdale et le cortex cingulaire antérieur. Publiés dans Psychological Science, ces travaux montrent que l’amygdale est plus grosse chez les personnes ayant tendance à procrastiner.

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