Cabines de bronzage : le piège de « l’Etat nounou »

Vaut-il mieux sauver des emplois ou protéger des vies ? Manichéenne en apparence, la question n’en est pas moins concrète et Agnès Buzyn doit y répondre rapidement.
Ce mercredi, l’Anses (1) a de nouveau tiré la sonnette d’alarme sur l’usage des cabines de bronzage à des fins esthétiques. Le risque de cancer associé aux UV des appareils de bronzage artificiel étant « avéré », l’Agence recommande la fermeture de ces établissements. 6 à 8 % des Français les fréquentent.

S’appuyant sur des expertises internationales et des études épidémiologiques, l’Anses rappelait déjà en 2014 que « les personnes ayant eu recours au moins une fois aux cabines de bronzage avant l’âge de 35 ans augmentent de 59 % le risque de développer un mélanome cutané ». Près d’un cas de mélanome sur deux chez les jeunes (43 %) peut être attribué aux doses reçues lors des séances avant l’âge de 30 ans.
De plus, la peau vieillit quatre fois plus vite avec les lampes qu’avec le soleil. Et contrairement à une idée reçue, ces rayonnements artificiels ne préparent pas la peau au bronzage et ne protègent pas des coups de soleil.
En 2015, 382 cas de mélanome ont été attribués à l’exposition aux appareils de bronzage.
Les mesures réglementaires entreprises ces dernières années pour encadrer l’exposition aux UV constituent, selon l’Anses, « une réponse partielle et insuffisante au regard du risque avéré ».

Alors pourquoi les ministres successifs sont-ils hermétiques ou presque aux arguments des experts, des sociétés savantes  et de la communauté médicale ? Le syndicat représentant cette profession (2) rappelle régulièrement dans les couloirs ministériels que ce marché représente un chiffre d’affaires de 210 millions d’euros et emploie 10 000 personnes. Difficile pour un gouvernement qui fait de lutte contre le chômage une priorité de sacrifier ce secteur.

Mais derrière cette raison économique se cache une autre question. Plus redoutable encore. Avoir recours à une cabine de bronzage est une liberté individuelle. Cet acte présente un risque, certes, mais n’a pas de conséquence directe sur autrui. Il n’entre pas dans le champ de la santé publique qui s’adresse à un individu au sein d’une population. En se vaccinant, on se protège et on se protège et on protège les autres. Rien de tel avec les cabines de bronzage.
Les fermer reviendrait également à interdire tout ce qui est dangereux pour notre santé : fumer, boire, manger gras, etc.

Au risque d’être accusée de céder au lobby de la profession, la ministre de la Santé dit ne pas avoir encore « défini sa décision ». Sans doute, mesure-t-elle le danger d’apparaître comme un « Etat nounou » dans un pays attaché à ses libertés individuelles et qui doute de plus en plus de l’action publique dans ce domaine. Hiérarchiser les risques, encadrer et contrôler l’activité, informer des dangers, décider, c’est ce processus que le citoyen attend de l’exécutif. Pas d’agir dans l’urgence ou de céder à pression d’un groupe, quel qu’il soit.

(1) Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail
(2) Syndicat français des professionnels du bronzage en cabine (SNPBC)  

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s