C’est plus fort qu’elle ! Interrogée ce jeudi sur le projet de loi bioéthique présenté au Parlement en 2019, Marlène Schiappa a affirmé sur France Info que la PMA pour toutes les femmes « sera remboursée » par la Sécurité sociale, qu’il s’agisse d’un couple hétérosexuel ou homosexuel. Adoptée et remboursée !
Cette nouvelle prise de position, pour le moins intempestive, appelle plusieurs remarques. La secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes casse en quelques secondes le processus démocratique conduit avec sagesse par le gouvernement auquel elle appartient.
Des Etats généraux, un rapport de synthèse puis l’avis du Comité national d’éthique pour éclairer le législateur, ce long cheminement a souligné la complexité de la question. Au-delà même des courants politiques et des postures de ceux qui voulaient en découdre avec l’exécutif.
A plusieurs reprises, Agnès Buzyn, ministre de la Santé et porte-parole de la macronie sur ce sujet, avait pris soin de rappeler qu’il n’était pas question de heurter les consciences ou de négliger une partie de l’opinion. Pour Emmanuel Macron, qui s’est déclaré favorable à l’ouverture de la PMA à toutes, pas question non plus de revivre l’affrontement des deux France que son prédécesseur avait dû subir lors des discussions sur le mariage pour tous. Ces déclarations risquent de produire l’effet inverse en donnant du grain à moudre aux opposants à cette réforme.
Marlène Schiappa les disqualifie et, en même temps, siffle la fin de la partie avant même que les parlementaires aient pu rentrer sur le terrain. La PMA pour toutes est adoptée par…un membre du gouvernement. Dommage, les échanges sur ce texte auraient pu redonner un certain panache au Parlement.
Griller ses collègues, s’affranchir de la volonté du chef de l’Etat, mépriser les citoyens et les élus, la secrétaire d’Etat commet une autre faute. « On ne remplace pas une discrimination par une autre discrimination », a-t-elle estimé, jugeant « scandaleux » des « systèmes de remboursement selon que vous êtes homosexuelle ou hétérosexuelle ».
Aujourd’hui, l’Assurance maladie prend en charge la PMA, sous certaines conditions, pour des couples hétérosexuels souffrant d’infertilité. Cette justification médicale n’a rien à voir avec la demande sociétale des homosexuelles. Celle-ci peut être jugée tout à fait recevable sans que l’on avance pour autant des arguments fallacieux.
D’ailleurs, la mission de l’Assurance maladie n’est-elle pas de couvrir « les soins courants » comme « les pathologies les plus lourdes » et « des services de prévention ». Même si l’expression est impropre en la circonstance, la médecine dite de confort n’entre pas dans le périmètre des remboursements.
Dans son rapport favorable à la PMA pour toutes, le Comité d’éthique s’est bien gardé de trancher sur ce point, proposant de « confronter ce projet aux responsabilités et aux priorités éthiques dans le cadre de la réduction des inégalités en santé ». Ce sujet, poursuivent, les sages, « fait partie intégrante des aspects éthiques (…) et la solution adoptée (…) devra être soigneusement étudiée au regard des critères de justice. »
Nul doute que, pour toutes ces raisons, la secrétaire d’Etat devrait se faire taper sur les doigts. De plus, cette bévue intervient le jour où, selon Libération, le gouvernement doit justifier que le débat sur ce projet de loi aura lieu après les européennes (26 mai 2019) et non pas en début d’année comme prévu. Raison officielle, surcharge de l’agenda parlementaire mais certains y voient une manœuvre politique. « Je suppose en effet que c’est pour éviter un débat lourd et potentiellement clivant avant les européennes », confie l’un d’eux au quotidien.
Décidément, l’ancien monde est toujours présent, y compris dans les rangs des jeunes ministres !