Sida : préservatif remboursé, dépistage négligé

A la veille de la Journée mondiale de lutte contre le sida, Agnès Buzyn a annoncé une mesure attendue depuis longtemps par plusieurs associations : le remboursement partiel (60 %) du préservatif sur prescription médicale. A compter du 10 décembre, lorsqu’une personne se présentera chez son pharmacien munie d’une ordonnance, elle paiera en moyenne 9 centimes un préservatif au lieu de 40 actuellement.
Pour l’instant, seule la marque Eden est concernée. En juin dernier, la Haute autorité de santé avait donné un avis favorable à la demande de son fabricant, le laboratoire Majorelle. D’autres, sans doute, suivront.

Symbolique, cette mesure est-elle pour autant efficace ? Chaque année en France, 6 000 personnes sont contaminées par le VIH. Un chiffre désespérément stable. Le prix du préservatif reste encore un frein pour certains. Proposer, notamment aux jeunes, de les aider n’est pas discutable. On peut néanmoins s’interroger sur la démarche.
Difficile d’imaginer la situation dans laquelle un ado pousserait la porte d’un cabinet médical pour réclamer une ordonnance de préservatifs. Compte tenu des délais d’attente, il devra être aussi prévoyant que téméraire.
Mettons de côté également le coût de la consultation engendré par cette démarche pour l’Assurance maladie et pour l’assuré. Se rendre directement chez le pharmacien aurait permis de faire des économies.
A moins de considérer le généraliste comme un distributeur de préservatifs, cette délivrance aurait pu s’inscrire dans le cadre d’une consultation médicale spécifique sur la sexualité et sur les infections sexuellement transmissibles. Sans doute conviendra-t-il de le rappeler dans les prochaines semaines.

Au final, la ministre de la Santé a peut-être raté une occasion de se saisir des vraies questions en matière de lutte contre le sida : le dépistage et l’information.
25 000 personnes ignorent encore leur séropositivité. Des mesures ont été prises par le passé, comme par exemple, la diffusion des autotests, mais des efforts dans l’accès et dans la prise en charge du dépistage en laboratoire auraient été particulièrement bienvenus.

L’ignorance de son état sérologique s’inscrit dans un constat plus global de méconnaissance des modes de transmission et de protection contre le VIH. En dix ans, le nombre de jeunes de 15-24 ans qui s’estiment bien informés en la matière a baissé de 10 points, passant de 89 % en 2009 à 79 % aujourd’hui, selon une étude réalisée par Ifop et Bilendin (1) pour le Sidaction. Les jeunes filles de 15 à 17 ans s’estiment particulièrement mal informées (71%) ainsi que les chômeurs.
Plus de la moitié des personnes interrogées (56%) ne connaissent pas l’existence du traitement d’urgence qui peut être pris au plus tard dans les 48 heures après un risque de transmission.

« Si les messages n’évoluent pas, martèle Florence Thune, directrice du Sidaction, nous alimenterons le sentiment général que la lutte contre le VIH/sida est une lutte du siècle dernier, ce qui ne fera qu’attiser l’épidémie en silence et les discriminations ».
La capitale en est un bon exemple. Alors que les élus ont fixé l’objectif de zéro sida en 2030, les acteurs de terrain rappellent dans Libération, que la ville compte 3 500 séropositifs non diagnostiqués et que le nombre de dépistages continue de baisser. Des initiatives ont été menées pour stopper cette machine infernale.

(1) Enquête réalisée auprès d’un échantillon de 1 003 personnes représentatif de la population des 15-24 ans.

Laisser un commentaire