A notre santé. On imagine aisément que les alcooliers ont dû sabrer le champagne après avoir lu le rapport de la Mildeca (1) pour lutter contre les conduites addictives. Diffusé cette semaine et validé par Matignon, ce plan de mobilisation 2018-2022 comporte 200 mesures pour s’attaquer aux dépendances au tabac, au cannabis, aux jeux vidéos ou à l’alcool. Mais aucune d’elles n’empêchera les fabricants de vins et spiritueux de dormir sur leurs deux oreilles. Malgré les ravages avérés des consommations à risque.
D’ailleurs, en introduction de ce document, le Premier ministre rappelle lui même que le tabac et l’alcool font respectivement 73 000 et 49 000 morts par an. Ils « ne sont pas acceptables », martèle Edouard Philippe.
On s’attendait donc à de l’artillerie lourde pour combattre ces excès délétères. Les actions conduites sur le tabac auraient pu servir d’exemple. La baisse notoire de vente de cigarettes en France ( – 9, 3 % en janvier) est le résultat d’une politique active et continue de santé publique comprenant des mesures fortes, comme l’instauration du paquet neutre, l’augmentation régulière des prix et le remboursement des substituts nicotiniques. Si la copie n’est pas exemplaire, ce travail a permis de freiner la consommation chez les jeunes.
Rien de tout cela pour l’alcool. La fixation d’un prix plancher pour la dose d’alcool, comme le pratiquent plusieurs pays, l’augmentation des prix de toutes les boissons alcoolisées, vins compris, auraient été à la mesure du défi. Comme par exemple celui du binge drinking. Près d’un jeune de 17 ans sur deux (44 %) reconnaît avoir eu une consommation excessive dans le mois. Et les spécialistes de pointer du doigt l’exposition de la jeune génération au matraquage publicitaire des alcooliers. Leurs messages inondent de manière explicite (ou pas) les réseaux sociaux avec le concours des influenceurs rémunérés par les fabricants.
Dans cette jungle festive, les contrôles des autorités sanitaires ont l’effet d’une goutte d’eau dans une bouteille de rhum. Sur cette question, les auteurs du Plan se limitent à des formules creuses comme celle qui consiste à « étudier et observer régulièrement l’impact des stratégies marketing et d’influence ». Pour répondre au syndrome d’alcoolisation fœtale, la Mildeca préconise, notamment, d’agrandir les logos d’avertissement sur les bouteilles.
Publié avec près d’un an de retard, le plan de la Mildeca confirme la démission du gouvernement sur un volet déterminant de la santé publique. Et laisse les addictologues affronter sans arme des situations dramatiques.
En février dernier, à l’occasion d’une rencontre avec les agriculteurs, le président de la République reprenait la formule de Georges Pompidou « N’emmerdez pas les Français » pour s’opposer au durcissement de la loi Evin.
Aujourd’hui, la Mildeca a rempli sa mission en veillant à ne pas « emmerder » ni Emmanuel Macron, ni les lobbies de l’alcool.