Paiement à l’acte: le maillon faible

Le 13 février prochain, c’est un dossier explosif que la ministre de la Santé va ouvrir dans la salle du conseil des ministres. Dans le cadre de la loi de Santé, Agnès Buzyn va proposer de sortir du modèle dominant du paiement à l’acte pour les médecins de ville et de la tarification à l’activité à l’hôpital. « Il fait perdre de vue la pertinence », a-t-elle déclaré cette semaine en recevant les propositions du directeur de la DRESS (1), Jean-Marc Aubert.
A l’œuvre depuis mars 2018, la task-force qu’il dirige suggère de diversifier les modes de rémunération des médecins. Le système actuel repose, selon ces experts, « majoritairement sur la quantité de soins produits » et ne permet pas d’encourager « la qualité » des soins, « la prévention et la coordination » entre les différents professionnels de santé.
« La France est le pays dans lequel le niveau de dépenses publiques est le plus élevé par rapport à la richesse nationale », relève le rapport en soulignant au passage que si l’espérance de vie continue d’augmenter en France, « les années de vie gagnées ne sont pas nécessairement des années de vie en bonne santé ».

Tout en conservant le principe du paiement à l’acte pour certaines situations, les experts préconisent d’introduire progressivement quatre nouveaux modes de rémunération. Ils prendront en compte le suivi du patient chronique, la qualité et la pertinence des soins évaluées notamment par les assurés, la séquence des soins et la capacité des services hospitaliers et des médecins de ville à mieux se structurer. En 2022, ils devront couvrir la moitié de l’activité d’un hôpital.

Si ces nouveaux modes de financement ressemblent encore à un millefeuille indigeste, ils corrigent en tout cas une anomalie majeure du dispositif existant: « A l’heure actuelle, note les rédacteurs de ces recommandations, c’est bien plus le patient qui fait le lien entre les acteurs du système que les acteurs qui se lient au bénéfice de celui-ci ».

Soigner mieux au juste coût. Si, sur le papier, tout le monde s’accorde sur l’objectif, en pratique, cette révolution annoncée fait trembler les professionnels. En remettant en cause le principe du paiement à l’acte comme modèle quasi-unique, Agnès Buzyn touche à un totem de la médecine libérale. Les représentants des médecins s’y accrochent depuis des lustres comme à ceux qui donnent la liberté de choix du patient, la liberté d’installation et de prescription des praticiens.
La jeune génération médicale, elle, a bien compris que ce logiciel pseudo-libéral du paiement à l’acte exclusif devait évoluer. La prise en charge des soins par la collectivité (assurance maladie et complémentaires), les inégalités d’accès aux soins, liées notamment aux déserts médicaux, le suivi des maladies chroniques ont fait sauter les verrous du siècle dernier. Ils ont permis le déploiement d’une médecine de proximité mais, aujourd’hui, ils l’étouffent. Au détriment des malades.

(1) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques

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