Un drame qui se transforme en polémique. Le 3 février, le Pr Christophe Barrat s’est donné la mort en se jetant par la fenêtre de son bureau de l’hôpital Avicenne à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Le décès tragique de ce chef du service de chirurgie bariatrique a suscité la consternation, notamment dans les rangs du personnel de l’Assistance publique de Paris (AP-HP). Il rappelle le suicide du Pr Jean-Louis Mégnien qui, lui aussi, s’était défenestré, le 17 décembre 2015, sur son lieu de travail, l’hôpital européen Georges Pompidou.
Dans les deux cas, les mauvaises conditions de travail des médecins ont pu être avancées pour expliquer les circonstances de ce geste désespéré. Malgré les appels à la retenue et à la prudence, y compris de la part de la ministre de la Santé et de l’Association Jean-Louis Mégnien, la polémique sur la pression que subissent les personnels soignants a enflé au fil des jours.
Le lendemain du décès, pour tenter d’éteindre le foyer, l’AP-HP a révélé dans un mail interne que « le chirurgien luttait depuis plusieurs mois contre une maladie grave ».
« Une communication désastreuse », ont estimé les médecins. Le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs a accusé l’AP-HP de « violer le secret professionnel …»
La réponse a été rapide. Le 6 février, le directeur des Hôpitaux Universitaires Paris Seine-Saint-Denis ainsi que deux médecins (1) représentant la profession au sein de l’établissement ont signé un communiqué pour expliquer leur prise de parole : « (…) Les circonstances nous obligent à le faire et ce en plein accord avec la famille du Professeur Christophe Barrat (…) , écrivent-ils en reprenant « l’expression même de son épouse » dans le but « d’apporter un éclairage au geste de son mari ».
Rejetant l’accusation de violation du secret médical, les représentants de l’AP-HP justifient leur initiative. « Nous n’avons donc en rien rompu le secret médical mais avons été autorisés à porter cet élément à la connaissance de notre communauté selon la volonté et le plein accord de la seule personne légitime à nous délier de ce secret : son épouse, qui a validé ce message avant qu’il soit diffusé. »
Si on peut comprendre qu’une personne extérieure au milieu médical ne saisisse pas toutes les subtilités du code de la santé publique, comment le justifier quand il s’agit de médecins ou de représentants d’une institution médicale ? Le secret médical s’impose à tout médecin, précise l’article 4 (R.4127-4). « Ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation de par ses activités avec ces établissements ou organismes » (Article L.1110-4 ).
Personne ne peut délier le professionnel de santé de cette disposition, pas même le patient ou ses proches, de son vivant ou après sa mort. Seule la loi peut l’obliger à y déroger.
La maladresse initiale de l’AP-HP s’est transformée en faute. Elle mérite en tout cas un rappel à l’ordre.
(1) Didier FRANDJI, directeur des Hôpitaux Universitaires Paris Seine-Saint Denis
Pr Nathalie CHARNAUX, directrice et Doyen de la Faculté Santé, médecine et biologie humaine
Pr Yves COHEN, président de la Commission médicale d’établissement locale