Alcool : consommer à moindre risque

C’est l’histoire du verre à moitié plein. Depuis les années 60, les Français consomment deux fois moins d’alcool : 26 litres par personne et par an en 1961 contre 11,7 litres en 2017. Finis la bouteille de rouge bon marché trônant sur la table à chaque repas et le verre de whisky quotidien pour évacuer le stress de la journée.  Si les buveurs lèvent moins le coude, la consommation reste problématique, confirme l’étude  du BEH (1) publiée cette semaine par Santé publique France.
L’alcool reste un serial killer. En 2015, il a tué 41 000 personnes (30 000 hommes et 11 000 femmes) dans le pays (2), soit 7 % de l’ensemble des décès. Mais surtout, la consommation se stabilise depuis 2013 alors que la tendance était auparavant à la baisse. Un résultat qui nous vaut de pointer encore dans le peloton de tête des pays les plus consommateurs d’alcool au monde.

Alors qu’il est en passe de réussir avec le tabac, le processus de « dénormalisation » de l’alcool est en panne. Depuis un demi-siècle, les campagnes de santé publique ont permis de faire évoluer les modes de consommation sans pour autant changer notre attachement culturel à l’alcool. Un Français sur 10 en boit tous les jours, principalement chez les 65-75 ans (2,3 % chez les 18-24 ans). Les jeunes, eux, préfèrent s’adonner aux ivresses massives. 20 % des 18-24 ans ont connu dix alcoolisations ponctuelles au cours des douze derniers mois (1 % chez les plus de 55 ans). « La très grande hétérogénéité des modes de consommation , notamment selon l’âge et les sexe », que soulignent les auteurs du BEH, rend la tâche des pouvoirs publics plus difficile. D’autant que les croyances ont la vie dure.

En 2017, des experts de l’INca (3) et de Santé publique France constataient « une mise à distance importante du risque de la consommation d’alcool » de la part des Français. Cette étude sur « l’évolution du discours public en matière de consommation d’alcool » révélait que la perception de ses dangers était plutôt associée à des situations, les accidents de la route par exemple, qu’à des maladies graves.
En outre, le slogan des années 80, Un verre ça va, trois verres bonjour les dégâts a entretenu l’idée qu’une consommation modérée et régulière ne comportait pas de risque. Elle était même bonne pour la santé, affirmaient des études savamment relayées par les fabricants de vin et de spiritueux.
Or le danger existe dès le premier verre, s’il est consommé quotidiennement. « Les minimes et très sélectifs effets protecteurs de l’alcool sont réduits à néant par ses effets délétères », martèle dans le BEH François Bourdillon, le directeur de Santé publique France.

Comment rivaliser avec l’image de plaisir, de tradition et de convivialité que renvoie l’alcool alors que « ses usages sont à l’origine d’une très forte morbidité et mortalité » s’interroge le BEH. Par une « stratégie de réduction des risques », répond François Bourdillon. Elle exclut tout discours moralisateur mais vise le compromis. Chaque individu devant en toute connaissance de cause doser sa consommation en fonction de son « risque acceptable ».
Pour le mesurer, des repères sont nécessaires : « Pour votre santé, maximum deux verres par jour et pas tous les jours », recommandent les experts. Mais dans le document publié en 2017, ces derniers vont plus loin en demandant plus de cohérence dans l’affirmation des principes entre les différents ministères et l’application de la réglementation. Les récentes joutes par médias interposés entre les ministres de la Santé et de l’Agriculture sur les risques liés à la consommation de vin montrent à l’évidence que les spécialistes n’ont pas été entendus. Quant à l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs, l’enquête Escapad, reprise par le BEH, rappelle que 91 % des buveurs de moins de 17 ans avaient pu s’en procurer en magasin au cours du dernier mois et 77 % en avaient bu dans un bar.

Enfin, les spécialistes  militent pour « une présence plus forte des pouvoirs publics » sur le terrain de l’information, « un renouvellement des stratégies publiques de prévention », incluant des campagnes de marketing social.  Aujourd’hui, cet espace est occupé par les alcooliers qui inondent la toile avec du marketing commercial. En ciblant les jeunes !

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