Comment évaluer la vitalité d’un pays démocratique: son économie, sa démographie, sa politique sociale, son système éducatif ou ses indicateurs de santé ? En fait, tout dépend de son angle de vision. Car, selon les critères retenus, les premiers du classement peuvent se retrouver en queue de peloton et les derniers seront les premiers. La répartition de la richesse nationale est l’une des clés d’appréciation. Ce sont les priorités données par chaque Etat qui permettent de déterminer la place réellement accordée au citoyen.

Les Etats-Unis sont le parfait exemple du pays qui connaît une économie florissante et une santé collective désastreuse. Depuis trois ans, l’espérance de vie des Américains régresse.
De l’autre côté de l’Atlantique, en Espagne, c’est tout le contraire. Le pays a été frappé de plein fouet par la récession mondiale. Entre 2009 et 2015, le PIB par habitant a diminué de 20 %. Et pourtant, les Espagnols affichent une santé éclatante. La meilleure au monde, selon l’index Bloomberg 2019 publié cette semaine. Ce classement prend en compte l’espérance de vie, les facteurs de risque (tabac, alcool, obésité), la pratique de l’activité physique et des facteurs environnementaux.
La France pointe, elle, à la 12e place loin derrière l’Islande (3^e), la Suisse (5^e) et la Suède (6^e). Les Etats-Unis et la Chine, les deux premières puissances économiques mondiales, occupent la 35e et la 52e position

Habitués aux doublés sur les terrains de sport, nos voisins ibériques alignent les mêmes performances sur la santé. En 2040, ils devraient aussi battre le record du monde de l’espérance de vie détenu par les Chinois en flirtant avec la barre des 86 ans.
Quelle est donc cette potion magique que les citoyens consomment de l’autre côté des Pyrénées ? Le régime crétois, à base  d’huile d’olive et de noix, a prouvé ses bénéfices en réduisant les risques liés aux maladies cardiovasculaires et neurodégénératives. Mais ce n’est là qu’un ingrédient.
La véritable recette de longévité de l’Espagne tient à l’organisation de son système de santé basée sur l’universalité, l’équité et le libre accès. « Malgré les contraintes budgétaires liées au ralentissement économique, le système de santé reste quasi universel, couvrant 99,1% de la population », explique l’Observatoire européen des systèmes et des politiques de santé.

Si les arbitrages sur les stratégies et les ressources accordées à ce secteur relèvent du niveau national, le pilotage de la santé est assuré à l’échelle régionale par 17 communautés autonomes. Cette organisation territoriale repose essentiellement sur des structures publiques. Les médecins de famille, assistés par des infirmières auxiliaires, s’attachent à la prévention et aux soins primaires et de longue de durée,  principalement pour les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées. Selon les besoins, ils orientent le patient vers des structures hospitalières adéquates.

Et la réduction des dépenses publiques pour faire face à la crise économique n’a pas ébranlé l’édifice sanitaire. Au contraire. « L’état de santé général s’est amélioré au cours de la dernière décennie », constate l’Observatoire. Néanmoins, tempèrent les auteurs de ce rapport, quelques voyants rouges s’allument. Les délais d’attente pour les interventions chirurgicales ou pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste s’allongent, l’accès à certains médicaments chers devient problématique et plusieurs indicateurs de qualité donnent des signes de faiblesse. La cure d’austérité a frappé le citoyen. Mais ce modèle hiérarchisé régulé par l’Etat reposant sur un système organisé autour des soins primaires et continue de faire ses preuves. Notamment en matière de prévention vers une médecine orientée sur les modes de vie.
Dans un entretien au magazine professionnel Le Généraliste, le directeur général de la santé rappelait en 2018 que « la France est très bonne dans le curatif — dans les 5 premières places au niveau mondial — mais elle se place autour de la 50e place en matière de prévention ».