Encore un peu de suspense. La commission de transparence de la Haute autorité de santé (HAS) doit se prononcer en juin prochain sur l’efficacité de l’homéopathie. Mais selon le journal Libération, la HAS devrait statuer en faveur de son déremboursement, selon le « projet d’avis » dévoilé ce mercredi. Les parties prenantes disposent d’un délai de 10 jours pour le contester. Mais on voit mal comment la HAS, qui a déjà auditionné les trois laboratoires en avril, pourrait faire machine arrière. Quant au gouvernement, Agnès Buzyn a déjà donné sa ligne de conduite sur l’avenir de ces médicaments : « S’il s’avère qu’ils ne sont pas efficaces, je prendrai la décision de les dérembourser car ce n’est pas à la solidarité nationale de payer pour des thérapies sans effets scientifiquement prouvés », a expliqué la ministre de la Santé.
Ce quasi verdict de la HAS marque sans doute la fin d’une histoire française de l’homéopathie médicale qui avait conduit à faire rembourser une croyance alors que la prise en charge d’un médicament se base sur une efficacité scientifiquement prouvée. Ce qui n’est pas le cas de l’homéopathie. Pour autant, ce coup d’arrêt ne va pas éteindre la polémique entre les défenseurs et les opposants. Les premiers font valoir que trois Français ont ou ont eu recours à l’homéopathie et 20 000 médecins en prescriraient régulièrement. Selon ces professionnels, les adeptes de cette médecine alternative seraient moins friands de médicaments allopathiques que le reste de la population. En revanche, nous sommes les champions du monde de la granules. On le doit sans doute au laboratoire français Boiron, leader mondial de ce marché.
Les détracteurs, eux rappellent que ces produits bénéficient d’un statut dérogatoire qui leur permet, d’être vendus comme médicament sans avoir d’autorisation de mise sur le marché. Mais il est vrai que l’homéopathie traite plutôt des situations que des indications précises.
En mars dernier, un collectif d’une centaine de médecins affirmait avec véhémence dans une tribune publiée par Le Figaro que l’homéopathie comme les autres « thérapies dites «alternatives» sont inefficaces au-delà de l’effet placebo et n’en sont pas moins dangereuses ». Quelques jours plus tard, les académies de médecine et de pharmacie recommandaient « qu’aucune préparation homéopathique ne puisse être remboursée par l’assurance maladie tant que la démonstration d’un service médical rendu suffisant n’en aura pas été apportée ».
Si cette bataille prend parfois des allures de « guerre de religion », les deux camps se rejoignent sur deux points : l’efficacité de l’homéopathie n’est pas prouvée, en revanche, son effet placebo est incontestable. Peut-on l’imputer au profil particulier des patients qui consomment ces produits ou au temps passé par les médecins homéopathes avec eux ? Se trouvant dans l’incapacité de trancher sur ces questions, l’ancien ministre de la Santé, Jean-François Mattéi, avait décidé en 2003 de couper la poire en deux en passant le taux de remboursement de 65 à 30 %. Le poids social de cette décision avait sans doute pesé dans la balance.
Aujourd’hui, Boiron fait valoir qu’une décision de déremboursement mettrait en péril l’emploi de 1 000 personnes en France. Mais dans l’entourage de l’industriel, certains s’interrogent aussi sur la virulence des attaques des derniers mois alors que l’homéopathie représente seulement 130 millions sur les 20 milliards de dépenses de médicaments. Des experts médicaux, eux, constatent que certains confrères font preuve d’un acharnement sélectif en se focalisant sur l’enjeu mineur de l’homéopathie et d’une grande complaisance vis-à-vis de la surconsommation médicamenteuse ou des prescriptions abusives.
Au fond, l’homéopathie pose la question de la pratique médicale, ce n’est pas son déremboursement qui va régler le problème. Classiquement, lors de la consultation, le médecin traite une maladie avec, bien souvent, à la clé une ordonnance » prêt-à-porter ». Loin de ce schéma classique de prise en charge, les médecins homéopathes prétendent s’attacher à la personne, à ses modes de vie. Chaque patient est unique. Cette approche et cette prise en compte de l’environnement de la personne complétée par une prescription sur mesure de granules seraient l’équation miracle de l’homéopathie. Mais en médecine, il n’y pas de miracle, sauf, peut-être, à Lourdes !
Alors quelle que soit sa décision, Agnès Buzyn devra la justifier et en profiter pour ouvrir une réflexion plus globale sur les conditions dans lesquelles les médicaments, allopathiques ou pas, sont prescrits. En clair, comment faire pour que les « patients homéopathiques » ne reviennent pas dans le circuit traditionnel avec une double frustration.