Urgences : la poudrière

Combien seront-ils à défiler ce jeudi dans les rues de Paris et dans plusieurs villes à l’appel du Collectif Inter-Urgences ? Les relations explosives des derniers jours entre les grévistes et le gouvernement laissent présager un taux de participation élevé.
Un peu partout en France, les personnels soignants de plus de 80 services d’urgence se sont mis en grève pour dénoncer de nouveau leurs conditions de travail. Ils réclament plus d’effectifs, l’arrêt des fermetures de services d’urgences et une augmentation de leur salaire.
Dans plusieurs hôpitaux, des équipes ont même déposé des arrêts maladie. C’est le cas des membres du service de nuit de l’hôpital Lariboisière (Paris). « Ils veulent se protéger. Psychologiquement, ils sont détruits », a justifié, sur Europe 1, le Dr Christophe Prudhomme.

Dans ce bras de fer entre les blouses blanches et les pouvoirs publics, le  porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France répondait aux déclarations de la ministre de la Santé, prononcées la veille sur France Inter. « Ce qui c’est passé à Lariboisière est assez inédit. Ils se sont mis en arrêt maladie. C’est dévoyer ce qu’est un arrêt maladie, avait commenté Agnès Buzyn. (…). La règle, dans le monde médical, quand on fait grève, c’est de mettre un brassard et de venir travailler pour ne pas mettre en danger la vie d’autrui ». Ce rappel à l’ordre du Dr Buzyn à ses confrères est mal passé dans les rangs de la profession. Leur réponse ne s’est pas fait attendre. Pour le représentant des urgentistes, c’est la ministre qui « met les patients en danger » et qui est en train « de tuer l’hôpital public ».

Croyant apaiser les esprits, la porte-parole du gouvernement a, au contraire, rajouté de l’huile sur le feu en trouvant d’autres boucs émissaires : « (…) Des mauvaises décisions ont été prises depuis des années et des années, a expliqué Sibeth Ndiaye au micro d’Elizabeth Martichoux, sur RTL. La médecine libérale aujourd’hui n’est pas au rendez-vous, c’est cela que nous devons réorganiser (…) ». « C’est faire insulte aux 120 000 médecins libéraux qui chaque jour répondent à la demande en soin sur tout le territoire », a aussi rétorqué, l’un de leurs représentants sur les réseaux sociaux.

A l’issue de cette bataille des ondes et du jeu du « c’est pas moi, c’est l’autre », la situation des urgences et des personnels a-t-elle progressé ? L’appel de celles et ceux qui affirment que leur condition de travail peut mettre en danger la sécurité des patients a-t-il été entendu ? La ministre de la Santé a raison de rappeler qu’elle a « mis de l’argent sur la table pour l’hôpital public l’année dernière ». Que le projet de loi santé, en discussion cette semaine au Sénat, prévoit une meilleure harmonisation entre la ville et l’hôpital.
Les médecins ne se trompent pas en affirmant que 4 à 6 patients sur 10 qui se présentent aux urgences devraient être pris en charge différemment. Et que de nombreux services sont à bout de souffle.
Mais à l’approche des grandes vacances, période de tension dans ces services, la priorité est d’apporter des solutions concrètes pour éteindre les feux qui se propagent sur les territoires. Des mesures qui permettront de dire aux aides-soignantes, aux infirmiers et aux médecins qu’ils ont été compris et que leurs galères quotidiennes ne sont plus une fatalité.

Dans une tribune publiée cette semaine par Libération, un collectif de chercheurs propose qu’au « moment où sont annoncés des investissements massifs dans des secteurs comme la génomique ou l’intelligence artificielle, il serait salvateur de ne pas oublier celles et ceux qui dispensent quotidiennement des soins moins auréolés de prestige mais non moins nécessaires et remarquables ».
En vingt ans, soulignent ces signataires – sociologues, économistes historiens – le nombre de passages aux urgences est passé de 10 millions à 20 millions pendant que le nombre de personnes pauvres augmentait lui de 50 % voire, selon les chiffres, 60 %. « Les urgences, concluent-ils, sont ce lieu qui reste lorsque tous les autres ferment leurs portes ».

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