Vieillir en bonne santé : la France à la traîne

« Mourir, cela n’est rien. Mourir, la belle affaire ! Mais vieillir Oh ! vieillir », Prémonitoire, Jacques Brel s’interrogeait il y a quarante ans sur les défis liés au vieillissement. Plus pessimiste, le général de Gaulle aurait emprunté à Chateaubriand la célèbre formule (1) « La vieillesse est un naufrage » pour décrire l’action du Maréchal Pétain. Mais le chef de la France libre ne pensait-il pas aussi à sa propre destinée ?

Qu’en est-il plus d’un demi-siècle plus tard. A première vue, tout va bien. La France affiche une excellente espérance de vie : 79,5 ans pour les hommes, 85,3 pour les femmes en 2017, selon l’enquête de l’Insee publiée il y a quelques jours.
C’est même au sortir de l’après-guerre que cette bataille de la longévité s’est en partie gagnée. De 1947 à 1997, les Françaises ont gagné 15,6 ans  d’espérance de vie et les hommes 13,4 ans. La lutte contre les maladies infectieuses a permis de faire baisser la mortalité infantile. Près de la moitié de l’espérance de vie gagnée chez les hommes (40 %) tient aux succès de la médecine dans ce domaine.

Changement de décor avec l’entrée dans le 21e siècle. La mortalité infantile a quasiment disparu, même si les experts signalent depuis 2012 une légère augmentation. L’espérance de vie des femmes a augmenté de 3 ans, celle des hommes de 4,9 ans. « Depuis vingt ans, les gains d’espérance de vie sont dus à la baisse de la mortalité aux âges élevés », surtout pour les femmes, explique l’Insee.

Nous vivons donc plus longtemps mais dans quel état ? « La question est importante tant pour l’organisation des soins et de services à la personne que pour les enjeux sociaux économiques : augmenter la participation active des ainés à la vie de la cité, le taux d’emploi des 50-65 ans ou l’âge de départ à la retraite nécessitent de préserver la santé et l’autonomie », alertaient déjà en 2013 les démographes Jean-Marc Robine et Emmanuelle Cambois dans Populations et santé.

Pour travailler plus longtemps, encore faut-il être en capacité de le faire. La France compte vingt millions de malades chroniques plus ou moins graves. Une victoire de la médecine qui a justement permis de transformer des pathologies mortelles en  affections de longue durée.
L’Assurance maladie a su relever ce défi mais est-elle capable aujourd’hui d’affronter celui de la santé ?
A  l’évidence, la réponse est non. L’espérance de vie en bonne santé (2) est de 64,1 ans chez les femmes et de 62,7 chez les hommes (chiffres 2016). « Cet indicateur est stable, il n’a pas évolué de façon significative ces dix dernières années », relève la Drees (3).  Alors que l’espérance de vie de la France est parmi les meilleures d’Europe, son « espérance de santé » stagne dans la moyenne européenne. L’Hexagone affiche même près de dix points de retard par rapport au pays champion, la Suède.

Vivre plus longtemps et en meilleure santé. C’est donc tout le champ de la prévention et du bien vivre avec sa maladie qu’il reste à explorer. Si le gouvernement affiche cette volonté, pourra-t-il le traduire dans les faits ?
Le plan « Ma santé 2022 » adopté cette semaine au Sénat vise davantage à éteindre les incendies qui menacent le système qu’à prendre ce virage préventif.
Dans son discours de politique générale, Edouard Philippe, prudent,  a effleuré la piste du travailler plus longtemps mais sans produire l’ordonnance qui va avec.
La question de Jacques Brel reste entière !

(1) « La vieillesse est un naufrage. Pour que rien ne nous fût épargné, la vieillesse du maréchal Pétain allait s’identifier avec le naufrage de la France ». 
(2) Nombre d’années qu’une personne peut compter vivre sans souffrir d’incapacité dans les gestes de la vie quotidienne

(3) Direction de la recherche, des études et de l’évaluation des statistiques

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s