Efficacité, rapport bénéfice-risque, à ce vocabulaire propre à l’évaluation d’un médicament, Sibeth Ndiaye vient d’ajouter un nouvel outil de mesure : la balance bénéfice-économie. Au micro mardi de Jean-Jacques Bourdin (BFMTV-RMC), la porte-parole du gouvernement a annoncé que la décision finale du déremboursement de l’homéopathie, n’avait « pas été encore prise ». Pour justifier ce délai de réflexion, la secrétaire d’Etat a exposé le dilemme du gouvernement : « Il y a une balance qui doit être réalisée entre l’apport scientifique, ce qu’on sait scientifiquement de l’apport de l’homéopathie, des questions évidemment économiques, puisque derrière il y a des emplois, forcément, mais aussi (le) bien-être de la population française ».
Comme rétropédalage, on ne fait pas mieux.
Quelques
jours plus tôt, l’affaire semblait pourtant entendue. A plusieurs reprises,
Agnés Buzyn avait assuré qu’elle suivrait l’avis de la Haute autorité de santé
(HAS). Sans grande surprise, celle-ci s’est prononcée le 28 juin en faveur d’un
déremboursement. Au terme de neuf mois de travail, de l’analyse de plus 1 000
études, de l’audition des trois laboratoires concernés et des associations,
aucun des critères retenus pour évaluer la pertinence d’un remboursement n’a
été satisfait.
« Cet avis est en cours d’examen
par mes services et ma décision sera rendue publique dans les prochains jours »,
a précisé le même jour la ministre de la Santé lors des questions
au gouvernement à l’Assemblée nationale. Comme si Agnès Buzyn tenait à
rappeler ses prérogatives et sa position non pas au grand public mais aux
autres membres du gouvernement.
Car, c’est sans aucun doute une bataille entre ministres qui explique ce changement de calendrier. Le dossier du remboursement de l’homéopathie a glissé du terrain scientifique vers le sol mouvant de la politique.
Le lobbying orchestré ces derniers mois par les trois laboratoires producteurs de gélules a semé le doute dans les rangs de l’exécutif. 1300 emplois menacés, a fait valoir le leader du marché, le laboratoire Boiron, et une majorité de Français attachés à ces médicaments, les arguments ont fait mouche. D’autant que plus d’un million de personnes ont signé la pétition pour le maintien du remboursement.
Soucieux de préserver sa remontée dans les sondages, Emmanuel Macron cherche à se débarrasser de ce petit caillou dans sa chaussure. Sans heurter l’opinion. Dans des circonstances comparables, le Président de la République a plutôt affiché une proximité avec les lobbys viticoles qu’avec les défenseurs de la santé.
Trois solutions s’offrent à lui. Faire preuve d’autorité en balayant la menace à l’emploi de l’industrie pharmaceutique et en suivant l’avis de sa ministre de la Santé ; gagner du temps en proposant un moratoire avec un débat parlementaire ; couper la poire en deux en faisant passer le taux de remboursement de 30 à 15 %. Ces deux dernières hypothèses décrédibiliseraient le travail des agences sanitaires et donneraient un signe d’encouragement à tous les groupes de pression qui estiment que la santé ne fait pas le poids face aux intérêts économiques. Et que les engagements pris ont autant de valeur que l’homéopathie.