Après les pompiers caillassés, c’est au tour des médecins d’être traînés dans la boue des réseaux sociaux. Lancé au départ pour dénoncer des comportements racistes de la part de quelques blouses blanches, le hashtag #BalanceTonMédecin s’est transformé ces derniers jours en torrent d’insultes et d’accusations. A la lecture de ces témoignages, le médecin est décrit comme un professionnel incompétent dans le meilleur des cas et, dans les situations les plus critiques, ressemble à un redoutable boucher.
Toutes ces histoires racontées en vrac sur la twittosphère ne sont pas inventées et il faudrait tomber dans un corporatisme obtus pour imaginer que les professionnels de santé sont exempts de reproches. Ce sont des hommes et des femmes comme les autres qui méritent autant le respect que les critiques quand elles sont justifiées. L’actualité de la semaine a d’ailleurs rappelé que les médecins pouvaient être corruptibles et que l’esprit salle de garde se prolongeait parfois dans les couloirs des hôpitaux avec des comportements s’apparentant à du harcèlement sexuel.
Rappelons-nous seulement que leur métier n’est pas tout à fait comme celui des autres. Qu’ils soient médecins ou infirmiers, généralistes ou chirurgiens, leur engagement est de porter assistance et de soulager la souffrance des autres. Pas de l’infliger. Ils en ont fait le serment. Le code de déontologie et les tribunaux sont là pour écarter les brebis galeuses. Mais surtout, ces espaces donnent la possibilité aux victimes de s’exprimer et aux personnes mises en cause de se défendre.
Voilà pourquoi ce mouvement anti-médecin est critiquable sur la méthode. Il agrège une succession de faits divers au point d’abîmer un peu plus un corps médical proche de l’implosion. Et pourtant ces attaques n’ont de valeur que par l’audience que leur offrent les plateformes des réseaux sociaux. En se retranchant derrière l’anonymat, ces accusateurs zélés réduisent des questions essentielles à une délation de trottoir.
Le contre-choc ne s’est pas fait attendre. Outragés, les représentants de la profession médicale, soutenus par de nombreux patients et par la ministre de la Santé, se sont drapés dans la colère et l’indignation. Une posture naturelle mais qui étouffe toute possibilité d’échange entre patients et médecins.
Alors que faire de toutes ces blessures subies ou ressenties par les citoyens dans un environnement médical ? S’il n’y pas de réponse simple, l’une des voies serait de remplacer la violence des mots par la détermination des actes. En faisant, par exemple, reconnaître son préjudice par la justice. Ce n’est pas toujours évident.
C’est la raison pour laquelle, depuis quelques années, des lanceuses d’alerte ont « fait bouger la médecine », selon l’expression du journal Le Parisien. Victimes d’un médicament ou d’un dispositif médical, ces héroïnes anonymes ont réussi à vaincre l’impossible pour faire entendre la voix des patients. La journaliste du quotidien, Florence Méréo, raconte les parcours de ces 12 femmes dans un livre-enquête. Il y est question d’obstination et de courage. Rien à voir avec la démarche des auteurs de #BalanceTonMédecin. Car, à force de les balancer, il n’en restera plus beaucoup !
(1) « Les Résistantes : 12 femmes qui font bouger la médecine » (Ed Harper Collins)