Parmi les records peu enviables que détient la France sur la scène européenne, celui des arrêts maladie est souvent mis en avant. Avec, en moyenne 17 jours par an, nous pointons en effet dans le peloton de tête, loin devant les Anglais (5 jours), par exemple.
Au cours des douze derniers mois, près d’un salarié sur deux (44 %) s’est vu prescrire au moins un arrêt de travail. « Un chiffre stable mais élevé », relève le groupe Malkoff Médéric Humanis qui a réalisé une étude avec l’Ifop (1).
L’analyse des situations nuance l’image grossière du Français fainéant. Un tiers des salariés (36 %) arrêtés durant les douze mois l’ont été l’année précédente. Cette récurrence s’explique par des raisons dites de convenance personnelle (aide à un proche, garde d’enfants) mais également par la situation précaire des personnes victimes d’une affection de longue durée. Le recul de l’âge de la retraite de 60 à 62 et l’augmentation du nombre de malades chroniques ont fait grimper mécaniquement ce type d’arrêt maladie. Ces salariés qualifiés à risque par le monde du travail représentent en fait, selon les sociologues, une population fragile. Elle ne pourra que grossir avec la réforme des retraites.
A l’opposé du groupe des absentéistes, est né il y a quelques années en France celui des présentéistes. Lui aussi prend de l’ampleur depuis trois ans. En 2019, souligne l’étude, 28 % des arrêts maladie prescrits par un médecin n’ont pas été respectés, soit totalement (17 %), soit partiellement (11 %). Un bond de cinq points en un an, constaté principalement chez les employés du commerce. Ils font partie de ces salariés qui prennent systématiquement leur repas devant leur ordinateur, qui allument la lumière des bureaux en arrivant et qui sont les derniers à partir ou encore qui envoient des mails professionnels à 23h et le week-end.
Les raisons invoquées par ces stakhanovistes tiennent à un état d’esprit (40 %) – ne pas se laisser aller – mais aussi à des raisons financières. Une entreprise sur trois seulement prend en charge les trois premiers jours d’arrêt non rémunérés dans le cadre du délai de la carence. Ce présentéisme est aussi révélateur de la pression avérée ou ressentie de la part du personnel qui redoute de perdre son emploi ou de surcharger un collègue.
Quels que soient les motifs invoqués, cette sur présence professionnelle s’avère contre- productive. Elle engendre plus d’accidents, conduit certains au burn out et coûterait à l’employeur une vingtaine de milliards d’euros.
Au final, l’absentéisme et le présentéisme offrent le tableau d’un monde du travail traversé par des lignes de fracture. Ces évolutions accréditent l’idée d’une perte de sens ou de repère de la personne au sein de sa société ou de son entreprise. Se rendre au bureau ne serait plus une forme d’épanouissement mais plutôt un simple moyen de gagner sa vie.
(1) Etude réalisée d’août à octobre 2019 auprès de 1 507 salariés et de 400 dirigeants d’entreprises du privé.