Avant, ils en parlaient, maintenant, ils la font. Après avoir longtemps boudé les injonctions en matière de prévention, les Français se sont retroussés les manches. Bouger plus, manger mieux, boire avec modération, à force de matraquage, les slogans de santé publique sont véritablement entrés dans nos modes de vie.
Le sondage Elabe réalisé pour la Fondation PiLeJe (1) marque une inflexion très nette dans ce domaine. Au cours des six derniers mois, 7 personnes sur dix reconnaissent avoir changé leur alimentation pour manger plus sainement, 59 % pratiquent de manière plus régulière une activité physique (75 % chez les 18-24 ans) et ils sont autant à réduire leur consommation d’alcool ou à surveiller leur sommeil. Ce qui, au passage ne les empêche pas de laisser leurs écrans allumés le soir jusqu’au dernier moment (63 %) avant de se coucher.
Mais face à cette volonté du citoyen de « soigner sa santé », plus marquée encore chez les jeunes, notre système de soins apporte-t-il les réponses adaptées ? Malgré les discours de tribune et les plans santé à répétition, la prévention ne représente que 6 Mds d’euros sur les 200 Mds que dépense chaque année l’Assurance maladie. Une goutte d’eau dans l’océan de la médecine curative.
Et les Français ne s’y trompent pas ; c’est le deuxième enseignement majeur du sondage de la Fondation PiLeJe. 58 % des personnes interrogées regrettent que la prévention n’occupe pas une place suffisante dans notre système (64 % des plus de 65 ans) et que le médecin n’aborde pas ou peu « les sujets des modes de vie » au cours de la consultation.
On dit que les Français font partie des champions du monde de la consommation de gélules. Cette réalité a du plomb dans l’aile. Et le tout médicament semble avoir vécu. en tout cas dans les esprits. Plus de 8 personnes interrogées sur dix (85 %) estiment que, dans certains cas (anxiété, trouble du sommeil, dépression, maladies neurodégénératives), le médecin pourrait donner des conseils de changement dans les modes de vie plutôt que de prescrire un médicament.
Le message lancé par la société est donc clair. Il rejoint d’ailleurs celui de nombreux chercheurs et spécialistes qui, études à l’appui, ont montré que l’on pouvait retarder l’apparition des premiers symptômes d’une maladie ou en limiter les effets par des gestes simples de prévention et par des petits changements dans notre quotidien.
L’exemple de la maladie d’Alzheimer est éloquent, « Ainsi, sur 100 cas, 14 seraient évités si personne ne fumait, 13 si l’on éliminait la sédentarité, 5 par le traitement de l’hypertension artérielle, et 3 par celui du diabète », résumait récemment dans les colonnes du Monde, le Pr Philippe Amouyel, directeur de la Fondation Alzheimer.
Réorganiser la filière de soins en fonction de l’individu et plus seulement de la maladie, donner aux professionnels de santé les moyens de prodiguer une médecine globale qui intègre préventif et curatif, ces mesures permettraient de passer d’une assurance maladie qui soigne à une assurance santé qui se calque sur nos parcours de vie. Les pays qui se sont engagés dans cette démarche affichent une bien meilleure espérance de vie en bonne santé que la nôtre.
Voilà donc un sujet de consensus sur lequel les pouvoirs publics devraient se jeter avec gourmandise. A l’heure des divisions qui fracturent le pays, Emmanuel Macron aurait tout intérêt à afficher une ambition dans ce domaine, un dessein aussi louable que la préservation de l’environnement. Un argument de poids aussi lorsqu’il est question de faire travailler les personnes plus longtemps.
(1) Sondage réalisé par Elabe auprès d’un échantillon de 1002 personnes représentatif de la population française pour la Fondation PiLeJe dans le cadre d’un colloque sur la Médecine des modes de vie en Europe (26 mars 2020, Paris).