Ne dites plus « mon pharmacien » mais plutôt « mon conseiller santé ». Depuis plusieurs années, les gouvernements ont multiplié les décisions pour tisser des liens plus étroits entre ces professionnels et les consommateurs dans les domaines de la prévention et des premiers soins. Il faut dire que quatre millions d’entre eux franchissent tous les jours la porte d’une officine. Confrontés aux déserts territoriaux, les élus militent, eux aussi, pour entretenir ce maillage pharmaceutique.
Agnés Buzyn n’a pas failli à la tradition en étoffant le portefeuille des pharmaciens : vaccination contre la grippe, test d’angine, possibilité de délivrer sous certaines conditions des médicaments soumis à prescription obligatoire (pour les angines ou les cystites, par exemple), la liste des missions s’allonge. Dernière en date, les officinaux devront, à partir du 15 janvier, vendre le Doliprane, l’Advil ou l’aspirine dans le cadre d’un conseil pharmaceutique. En faisant passer le paracétamol et ces anti-inflammatoires des rayons en libre service au comptoir du pharmacien, la ministre de la Santé entend lutter contre le mésusage et les surdosages de ces molécules.
Ce « glissement » des missions du médecin vers l’officine fait bien sûr grincer des dents dans les rangs des premiers mais il se heurte également à un paradoxe de taille. Toutes les mesures adoptées par l’exécutif servent à renforcer le rôle de conseil de l’officinal au sein d’une structure de proximité alors que l’évolution des pharmacies tend plutôt vers le « mégastore » du médicament.
Pour bien comprendre, un petit retour en arrière s’impose. Sur les 21 600 croix vertes installées en France, 226 ont baissé le rideau en 2018. 17 % de plus qu’en 2017 ! Cette crise, liée notamment à la baisse des prix des médicaments, touche en priorité des petites structures (70 %) qui réalisent un chiffre d’affaires d’un million d’euros ou moins. Mais « seulement » la moitié de ces fermetures sont contraintes.
Les autres officines on dû se réorganiser soit en fusionnant, soit en cédant leur clientèle. Résultat, moins de pharmacies mais des structures plus importantes dont les intérêts économiques sont défendus par des groupements. Pour se maintenir à flot, ces derniers usent des mêmes méthodes que celles de la grande distribution: négociation sur les remises avec les industriels, d’un côté, politique commerciale agressive avec les consommateurs et développement de la parapharmacie. Une restructuration vitale, clament les opérateurs, pour redonner du sens à la profession et recentrer le pharmacien sur ses missions de prévention.
A condition que ce modèle économique ne se transforme pas en machine à sous, principalement dans les grandes villes. Pour l’heure, le consommateur a plutôt tendance à se perdre dans les rayons des cosmétiques avant de trouver le comptoir de son conseiller santé !