J’avoue que l’info était passée au dessus du sapin. Afféré à colorer la grisaille de décembre, je ne l’avais pas captée. Et pourtant, elle concerne chacun d’entre nous, du matin au soir, tous les jours de l’année, de la naissance à la mort. Je veux parler des cosmétiques, ceux que nous utilisons pour nos enfants, pour nous brosser les dents, sous la douche, pour corriger nos odeurs corporelles en les noyant dans les déos et les parfums.
Bref, ces produits savent tout de nous, de notre peau, de nos cheveux. Nous lui confions nos parties les plus intimes. Et pourtant, nous ne savons rien ou presque de leurs effets. C’est ce que nous révèle la très sérieuse Cour des comptes dans un rapport remis il y a quelques semaines sur l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM).
Chargée de « garantir la sécurité des produits de santé tout au long de leur cycle de vie et favoriser l’accès des produits innovants aux patients, » cette instance est connue du grand public pour les scandales sanitaires auxquels elle est souvent confrontée ou associée. En particulier sur les médicaments.
 Ce que l’on sait moins, c’est que l’ANSM a également autorité sur les dispositifs médicaux (préservatifs, pansements prothèses mammaires, etc …), mais aussi les produits de tatouage et les cosmétiques (1).

Concernant cette dernière mission de l’agence sanitaire, le réquisitoire de la Cour des comptes est sans appel : « De son propre fait et en grande partie par manque moyens, l’agence a fait le choix d’affecter ses moyens à d’autres priorités, laissant de fait ce secteur très insuffisamment suivi ».
Les cosmétiques, expliquent les sages de la rue Cambon, relèvent d’une autre logique que celle appliquée aux médicaments. « Ils sont destinés à l’ensemble de population et non aux seuls patients » et « n’offrent aucun bénéfice thérapeutique ».
Résultat, « l’ANSM n’a jamais considéré la vigilance de ces produits comme prioritaire ». Elle n’est plus en capacité d’intervenir en anticipation mais uniquement en réaction à la suite d’alertes. D’ailleurs, deux des trois inspecteurs dévolus à ce secteur devaient être affectés fin 2019 à d’autres tâches.

Pourtant, poursuivent les auteurs du rapport, ces produits de tous les jours « ne doivent en aucune façon présenter de risque pour leur utilisateur ». Selon eux, « il importe de mettre un terme à cette situation de quasi-abandon dans un secteur qui n’est pas exempt de risque ». Le coût du renforcement des contrôles est estimé à un million d’euros, soit l’équivalent de quinze temps plein.
Conscient de la situation sur les cosmétiques, le gouvernement envisage de transférer la mission de vigilance de l’ANSM vers l’ANSES (2) et celle de la surveillance à la DGCCRF (3).
Leader mondial de ce marché, l’industrie française totalise un chiffre d’affaire annuel de 14,5 milliards d’euros sur le territoire. En 2016, chaque Français a achetait 38 produits.  Si l’on se réfère à son site, entre 2012 et 2019, l’ANSM a procédé, elle à cinq évaluations de risque lié à l’usage de cosmétiques !

 (1) Un produit cosmétique  est une substance ou un mélange destiné à être mise en contact avec les diverses parties superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et capillaire, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales, en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles.
Il n’existe pas d’autorisation préalable de mise sur le marché pour les produits cosmétiques. Il incombe aux fabricants de garantir que leurs produits satisfont aux exigences législatives, réglementaires et ne présentant aucun danger pour la santé.
(2) Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement
et du travail
(3) Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Répartition du marché des cosmétiques en France