Il est le symbole de la psychose qui contamine la planète. A Pékin, à Paris ou bientôt à New York, les masques de protection contre le coronavirus sont en rupture de stock. Les Français ont dévalisé les pharmacies, les Chinois font la queue pendant des heures pour s’en procurer un ou deux. Les spécialistes ont beau répété qu’il n’est utile que pour ceux qui sont porteurs du virus, rien n’y fait. Face au « démon », comme l’appellent les autorités chinoises, l’irrationnel sert de barrière protectrice. Mais reste universel.
Il faut dire que l’épidémie s’emballe. En quinze jours, le nombre de cas a été multiplié par dix (6000) et on dénombre à ce jour 132 décès. 56 millions de Chinois sont placées en quarantaine et, les unes après les autres, les mégapoles ressemblent à des villes mortes.
La Chine est en arrêt maladie et le reste du monde l’observe avec inquiétude et suspicion. Comment expliquer que le bilan s’alourdisse de manière aussi rapide alors que les dignitaires chinois affirmaient il y a peu que la situation était sous contrôle et que toutes les mesures avaient été prises pour circonscrire l’épidémie à Wuhan, l’épicentre du virus ? Preuve de leur bonne foi, les scientifiques ont donné pratiquement en temps réel les informations sur le génome du coronavirus 2019-nCoV à la communauté internationale. Ces données ont été précieuses pour élaborer un test de dépistage.
Rien à voir donc avec le Sras de 2002 qui était resté un secret d’Etat pendant plusieurs mois avant d’éclater à la face du monde. Tout cela est vrai y compris la mise en quarantaine de Wuhan. Mais ce que le pouvoir chinois avait oublié de dire, c’est que 5 millions d’habitants avaient déjà fui la ville avant que ne soit décrété l’état d’urgence. Combien d’entre eux étaient-ils déjà porteurs du virus ? Cet exode sanitaire explique sans doute pourquoi l’agent infectieux s’est répandu comme une traînée de poudre dans les aéroports et les provinces du pays.
Le peuple chinois est donc convaincu que leurs dirigeants ont caché la vérité et que leurs mensonges sont à l’origine du chaos actuel. Une impression partagée par les autres pays et qui vient nourrir un peu plus la peur des citoyens. Si on ajoute que l’ennemi est invisible, cette peur se transforme en psychose. Elle altère nos capacités de raisonnement au point de transformer notre voisin en ennemi potentiel. L’histoire des épidémies est là pour nous rappeler que le rejet de l’autre sert alors de moyen d’auto-défense.
Les citoyens d’origine asiatique en font les frais. Que penser de cette vidéo où l’on voit deux personnes dans le métro parisien se protéger le visage parce que la passagère assise en face d’eux a les yeux bridés. Ou de ce titre d’un quotidien régional « Coronavirus chinois : alerte jaune ». Le hashtag #JeNeSuisPasUnVirus liste depuis quelques jours les manifestations les plus primaires de cette discrimination qui se résume à Asiatique = virus. « La crise sanitaire du coronavirus entraîne dans son sillage une libération de la parole raciste (…). Ce déchaînement vise les personnes “asiatiquetées”, peut-on lire dans les témoignages.
En Chine, il prend un autre visage. Ce sont les habitants de Wuhan qui sont considérés comme des pestiférés. Pékin et d’autres villes les rejettent. On les appelle des « virus ambulants ».