C’est à n’y rien comprendre ! Depuis le 15 janvier, l’Aspirine, le paracétamol et l’ibuprofène ne sont plus en vente libre dans les officines mais placés derrière le comptoir. Par cette mesure, le gouvernement entend lutter contre le mésusage et la surconsommation médicamenteuse. Et, par là même, redonner au conseil pharmaceutique toute sa place. Mesure louable tant les Français raffolent des gélules de couleur.
Mais le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, présenté hier en Conseil des ministres par Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès de Gérald Darmanin, brouille la lecture de l’action des pouvoirs publics dans ce domaine.
Dans l’article 34, le texte prévoit d’assouplir les conditions de vente en ligne des médicaments sans ordonnance. Aujourd’hui, la vente sur internet est autorisée à condition que le stock de médicaments soit adossé à une officine. Le pharmacien assurant le contrôle de ce e-commerce de proximité.
Désormais, les pharmaciens pourront se regrouper et créer des plateformes communes de vente en ligne. Dans ce cas, le site de stockage ne sera donc plus attaché à une seule pharmacie.
Aussitôt, l’ombre d’Amazon a obscurci le ciel de la profession. Syndicats, Ordre ont dénoncé d’une même voix le risque d’ubérisation de la pharmacie. Demain, explique dans Le Parisien, Gilles Bonnefond, président de l’USPO (1), si Amazon veut s’associer à un ou plusieurs pharmaciens diplômés, il pourra le faire et se lancer dans la vente en ligne de médicaments.
« Il est clair qu’Amazon, ce n’est pas la vision du gouvernement, lui a aussitôt répondu Agnès Buzyn sur BFM. Nous ne souhaitons pas que des plateformes vendent des médicaments comme on vend des livres ». Des propos rassurants de la part d’une ministre de la Santé soucieuse d’éteindre rapidement un début d’incendie avec les blouses blanches.
Mais cette mise au point n’a pas convaincu les acteurs. Ce projet de loi a été présenté par Bercy et l’histoire montre que les arbitrages sur de tels sujets se font rarement en faveur du ministère en charge de la Santé. Agnès Buzyn et celles et ceux qui l’ont précédé à ce poste savent que c’est en mettant leur démission dans la balance qu’ils ont réussi à « arracher le morceau ». Règle du jeu politique, cette carte ne peut être abattue qu’une ou deux fois. D’autant que les offensives pour ouvrir le commerce des médicaments à d’autres opérateurs se sont multipliées ces dernières années.
Mais surtout, l’ennemi est aujourd’hui bien plus redoutable que ces patrons français d’hypermarchés qui rêvent de vendre des boîtes de médicaments à quelques mètres des rayons de conserve.
Aux États-Unis, Amazon s’est déjà lancé dans la pharmacie en rachetant PillPack en 2018. Avec une ambition affirmée d’investir plus massivement dans ce secteur. Et on peut mesurer la détermination du géant américain en se souvenant de la bataille menée sur les livres. A l’époque, les ministres de la Culture avaient juré, mains sur le cœur, que les librairies seraient préservées. On connaît le résultat.
(1) Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine