Alors que les portes du déconfinement s’entrouvrent pour les Français, le gouvernement entame la deuxième partie de la gestion de l’épidémie avec un capital confiance réduit et une marge de manœuvre limitée. Un tiers des citoyens l’estime capable de faire face à cette situation. Un désaveu inégalé en Europe.
Or, pour réussir ce nouveau défi du Covid-19, l’exécutif doit pouvoir compter sur une adhésion massive des citoyens aux mesures proposées. Et il le sait bien.
Dans son intervention du 7 mai, le Premier ministre a évoqué une nouvelle fois « la ligne de crête » sur laquelle il devra avancer pour respecter les libertés individuelles et éviter une nouvelle flambée épidémique. Ce numéro d’équilibriste se fera sans filet et l’opinion ne fera preuve d’aucune indulgence.
Durant le confinement, elle a subi les cacophonies gouvernementales, les pénuries de masques et de tests, les fausses vérités et les vraies erreurs tactiques dont certaines ont été sciemment entretenues. Sans compter le climat anxiogène lié aux ravages de l’épidémie et la tension des services hospitaliers.
Tout cela, les Français l’ont accepté de bonne grâce en se soumettant à la discipline stricte imposée par le Coronavirus. Leur part du contrat a été rempli. S’adapter du jour au lendemain à une situation inédite par sa violence, sa durée et les restrictions qu’elle a engendrées.
A partir du 11 mai, c’est au gouvernement qu’il appartient de remplir sa mission : réussir le déconfinement en fournissant des masques et des tests en nombre suffisant et en cassant les chaînes de transmission du virus. Ce dernier point est l’un des plus sensibles.
Au plus fort de l’épidémie, une personne pouvait en contaminer en moyenne 3 ou 4, aujourd’hui, il faut 10 personnes infectées pour transmettre le virus à 3 ou 4 ; ce ratio devra être tenu alors que les transports en commun, les écoles, les entreprises et les commerces (sauf les bars et les restaurants) vont rouvrir progressivement.
Parmi les premiers pays à déconfiner, l’Allemagne fait face aujourd’hui à une nouvelle hausse du taux de contamination.
La partie est donc loin d’être gagnée, elle relève même du pari. Elle suppose que les médecins libéraux et les Français jouent le jeu. Ignorés par les pouvoirs publics durant la séquence du confinement, les professionnels de santé de ville vont devoir gérer l’afflux des assurés confinés pendant 56 jours et réaliser des questionnaires pour recenser les proches de leurs patients Covid +. Outre cette surcharge de travail, plusieurs médecins dénoncent déjà la rupture du sacro-saint secret professionnel puisque les résultats de leurs investigations seront transmis « aux brigades » de l’Assurance maladie.
Et que dire des Français à qui l’on va proposer une appli pour effectuer un traçage « servant principalement à alerter ses utilisateurs s’ils ont croisé dans les quinze derniers jours une personne qui a depuis été testée positive au coronavirus », selon les termes du secrétaire d’Etat chargé du Numérique, Cédric O. Ils seront invités à se faire tester, voire à s’isoler.
Ce « flicage numérique », comme l’appellent déjà les opposants, risque d’être vécu comme une conséquence de la pénurie de masques durant la première séquence. Une erreur d’Etat corrigée par une atteinte aux libertés, pas sûr que cette disposition remporte de nombreux suffrages.
Edouard Philippe a raison de dire que « nous ne pouvons faire le malin avec le virus ». Autrement dit, l’étau se resserre autour du gouvernement et de sa majorité. Conscient du danger, le Premier ministre a abattu ces deux dernières cartes. En donnant une marge de manœuvre aux territoires pour adapter les mesures nationales aux réalités régionales, il répartit la pression exercée. Qu’il s’agisse des écoles ou des plages. En sonnant la rentrée scolaire le 11 mais en laissant les parents décider du retour des enfants à l’école, le gouvernement change sa doctrine du début qui voulait que les mêmes règles soient appliquées « partout sur notre sol ». Dès lors, le couplet de l’Etat protecteur entonné par Emmanuel Macron au début de l’épidémie ne tient plus. En tout cas, sur le volet sanitaire.